mardi 13 septembre 2011

29- L'autre intelligence

Galilée en avait terminé avec son récit, je pouvais le quitter maintenant. Curieusement une force insistante me disait de rester là où j'étais, et de m'apaiser.  Galilée aussi devait sentir une émotion semblable: il se donnait un répit, une petite vacance.

Il s'est levé, s'est approché d'une boîte de métal. Quand il a soulevé le couvercle de cette boîte, j'ai senti un arôme tout à fait inconnu.  " C'est du tabac... vous allez connaître un de mes vices!"  a dit le professeur, en se moquant.  Il m'a expliqué ses gestes, à mesure qu'il bourrait sa pipe d'ébène. Il s'est servi d'une braise du foyer pour allumer sa pipe.  J'ai senti cette odeur toute nouvelle, pendant qu'un nuage bleu flottait dans la pièce.  " Nous parfumons le tabac avec le sucre de cane... Toute l'Angleterre s'est mise à fumer, toute la Hollande aussi... ça nous repose de l'encens des églises!"

Sans aucune transition, je lui ai posé cette question à laquelle je ne pensais pas, une question qui m'est venu sans prévenir:  " Est-ce qu'il faut laisser Socrate en paix, et ne plus insister pour qu'il parte en exil?"
Galilée a tiré quelques bouffées sur sa pipe.

La réponse est venue: " Laissez-le aller au bout de son expérience.  Ce n'est pas un caprice, le choix qu'il fait d'aborder la mort, alors qu'il pourrait s'éloigner. Lui seul saura s'il fait un bon choix. Il a l'habitude de nous surprendre. C'est très audacieux de sa part. Je dirais qu'il mène une expérience, celle qui résume toutes ses recherches. Au bout d'une vie de raisonnement, il choisit d'entendre une autre voix, qui vous paraît déraisonnable. Socrate est un homme complexe..."

D'autres questions me venaient. Les volutes de fumée du tabac m'entraînaient ailleurs.  Je me suis surpris de m'entendre lui dire:   "Parlez-moi de votre fille Virginia"

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