lundi 12 septembre 2011

28- Exit Bellarmin

C'était quarante ans de sa vie que me racontait Galilée.  Je prenais connaissance d'un monde partagé entre deux camps ennemis.  D'un côté, une Eglise gardienne de paroles dites par un Dieu.  De l'autre, une communauté de scientifiques qui regardaient d'un oeil neuf tout l'univers, avec des outils d'observation et de mesure qu'ils inventaient.  Il n'y avait rien de tel dans le monde de Socrate.

Dans son récit, Galilée en arrivait au chapitre de son procès:
" Un jour, j'ai appris la mort de Bellarmin. Puis nous est arrivée la nouvelle de la mort du pape Paul 5, dont Bellarmin était l'ombre. Si vous saviez quel soulagement j'ai ressenti!  Je connaissais bien le cardinal Barberini, devenu Urbain 8, le nouveau pape. Je le savais moins drastique que son prédécesseur. Tout me permettait de croire qu'il allait permettre la liberté de recherche pour les hommes de science.

" Ce pape m'a demandé d'écrire, sans parti pris, les deux versions qui s'opposaient: celle de Copernic, avec un monde qui tourne autour du soleil, et celle de Ptolémée, avec la terre comme centre immobile de l'univers.  Le pape donnait ainsi sa chance aux deux options. J'ai donc fait ce travail, publié sous forme de dialogue entre avocats qui défendent chacun leur cause.

" Quel imbécile j'ai été!  La tentation était trop forte pour moi:  j'ai donné la bonne place à l'argumentation qui défendait Copernic, et j'ai fait jouer un rôle piteux à l'avocat qui défendait la tradition. Je le ridiculisais, en lui donnant comme nom Monsieur Simplet. J'aurais pu tout aussi bien l'appeler Monsieur le Demeuré.

" Mes ennemis ont fait comprendre au pape que j'avais trahi sa confiance. Aux yeux de tous, c'était lui, le simplet, à qui j'avais joué ce tour perfide. Il ne me l'a jamais pardonné. Le saint Office m'a fait un procès qui exigeait que je renonce à tout ce que j'avais défendu. On m'a fait comprendre que la torture n'était pas exclue, si je m'obstinais à louvoyer avec eux.

' C'était il y a quatre ans. Depuis, je suis dans cette prison résidentielle, et je n'en sortirai pas vivant. Il était exclus que je m'exile en Hollande, comme ce Descartes l'a fait:  j'avais mes deux filles tout proche d'ici, au couvent. Je ne pouvais pas les abandonner. Et puis ma prison a une fenêtre qui donne sur un grand espace, celui de la science: je continue mes travaux. Du moins, avec l'oeil qui me reste. Mais j'ai appris la prudence:  si je fais un mauvais pas, mes ennemis me ramèneront dans les geôles du saint Office à Rome. On n'y pratique pas la science, je vous assure.

" Est-ce que votre démarche ici a été fructueuse?  J'ai essayé d'être le plus précis possible, pour vous permettre de trouver ce que vous cherchez. J'ai compris que vous êtes venu ici pour aider votre ami Socrate. Comme j'aimerais lui tendre la main! Mais je n'ai pas votre privilège, je n'habite que ce monde..."


2 commentaires:

Michel à Isabelle a dit…

...ah l'éternel dilemme entre le coeur et la raison, à qui donner préséance...l'humain, mi-ange mi-bête, s'en arrache la toison depuis belle lurette, non?
Q. - êtes vous indécis?
R. - oui et non!

Anonyme a dit…

Plus j'y pense, ce talent du mot et du dessin que tu as, Huberlulu...
c'est un véritable DON!
...merci de le partager!