samedi 31 décembre 2011

Fin d'année, début d'année

Les paroles s'envolent, les écrits restent.  On nous disait cette maxime pour nous prévenir d'être prudents:  c'est toujours vrai, on le voit avec le phénomène des messages diplomatiques diffusés dans les médias!  Mais ce n'est pas la durée de vie qui distingue les paroles et les écrits.

Depuis l'invention des écritures, il y a plus de 7,000 ans sans doute, le cerveau humain s'est transformé. Le centre de la parole n'est pas le centre de l'écriture. Paroles et écritures utilisent des dictionnaires différents, et les entrepôts de mémoire sont distincts. L'homme qui parle n'est pas l'homme qui écrit. (Une phrase qui est dite n'est pas une phrase chantée non plus: après un accident cérébral, une personne peut chanter des phrases et ne plus avoir accès à la parole ordinaire).

Les paroles s'envolent?  Elles se retrouvent emmagasinées dans les messageries de téléphone, et dureront un temps indéterminé. Les écrits peuvent avoir une durée éphémère:  un message amoureux sur le sable d'une plage, la prochaine marée va l'effacer!

La première forme d'écriture a dû être orale:  c'était la création de poèmes, comme l'Iliade et l'Odyssée. Déjà se compartimentaient des zones différentes du cerveau. Les grands mythes de la création du monde, avant d'être écrits, ils étaient transmis pendant des siècles, sans doute. Ces paroles ne s'envolaient pas!

On écrit pour avoir accès à une autre pensée, à d'autres images, d'autres souvenirs. Quand je n'écris pas, mon cerveau fonctionne toujours mais sur le mode de rêveries. Si j'écris des mots, le cerveau devient architecte, il construit à partir des mots écrits, il associe.

Un écrivain fabrique des écritures, comme un boulanger produit des pains. C'est semblable au travail de l'abeille-ouvrière qui court le pollen des fleurs, puis revient à la ruche et mâchouille le nectar, en fabrique le miel. D'autres abeilles se nourriront de ce miel. Les mots écrits sont aussi des mets cuisinés, une nourriture.

L'homme est un animal qui écrit...


vendredi 30 décembre 2011

Faut-il pardonner? 5.

Je continue à réfléchir sur mon héritage culturel, celui du Québec religieux d'il y a deux générations.  Pour valider mes propos, je consulte un gros album: le catéchisme en images.  Tourner les pages de ce catéchisme donne le frisson. Rien d'aussi désolant que ce catéchisme qui guidait l'enseignement quotidien dans les classes du primaire. Rien qui contredise autant l'évangile. Évidemment je vais caricaturer, exagérer dans ces réflexions, mais pourquoi pas. Un excès en attire un autre!

J'ai l'impression que ce catéchisme est un bon exemple pour comprendre ce qui s'est passé.

Du temps de Jésus, il y avait aussi un catéchisme:  un code tout plein de rituels à suivre, d'observances méticuleuses. Toute une organisation religieuse s'occupait de gérer les sacrifices au Temple de Jérusalem et le respect de toutes ces lois.

Quand on lit les évangiles, on voit nettement le conflit entre Jésus et tout le pouvoir religieux: Jésus ramenait la religion à toute autre chose que ces rituels et observances. "Le Père", disait-il, n'est pas intéressé à autre chose qu'un comportement de compassion, de non-jugement entre humains. "Ce que vous faites au plus petit "de la famille", c'est à moi que vous le faites". Le reste de l'encens, ça lui puait au nez, disait-il.

Après la mort de Jésus, il s'est bâti un autre catéchisme, tout aussi chargé de lois, de dogmes à croire, pour remplacer le catéchisme précédent. Les théologiens ne pouvaient pas vivre avec cette conversion du coeur à la compassion, il leur fallait se triturer les méninges pour aboutir à un foisonnement d'articles de foi votés dans de graves conciles, qui excommuniaient ceux qui ne se ralliaient pas à leurs subtilités. Il ne faut pas oublier que l'Eglise brûlait les hérétiques.

Il y a un double message, une contradiction. Comme si le cerveau humain ne pouvait pas tolérer la simplicité d'une musique, d'un geste qui parle. La théologie chrétienne a choisi les arguties des procès plutôt que le silence du pardon.


jeudi 29 décembre 2011

Faut-il pardonner? 4.

Au Québec, la société d'autrefois parlait beaucoup du pardon:  chaque jour, on récitait la prière du "Notre Père qui êtes aux cieux". Dans cette prière, on disait à Dieu: " pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés".  Est-ce que ce n'était qu'une récitation de prière, ou bien c'était "passé dans les moeurs" de se pardonner entre voisins ou entre parents?  Pour le savoir, il faut se souvenir de nos parents et grand-parents.

Aujourd'hui "l'idée" de pardonner est-elle encore dans le paysage? Autrement dit, s'il n'y a plus ces rituels de prière qui en parlent, est-ce que le pardon fait encore partie des réflexes?  Pour ma part, même le mot "pardon" s'est évaporé, comme tous les mots du bagage religieux. Si le mot disparait, est-ce que le réflexe agit encore?

Alors je me demande si le pardon existait dans ces cultures qui ont précédé la culture judéo-chrétienne: en Mésopotamie, en Egypte puis en Grèce. Sans doute qu'un pharaon ou un monarque pouvait faire preuve, à l'occasion, de générosité en libérant des détenus, mais chez les citoyens, est-ce que le pardon pouvait régler leurs disputes, ou bien tout se réglait par des procès?

Je me demande si la pratique du pardon peut exister en dehors des religions... Les Bouddhistes se pardonnent-ils entre eux?  Il faudra que je m'instruise.  Si ce blog était un forum où plein de gens s'expriment, comme j'en apprendrais, des choses!


mercredi 28 décembre 2011

Faut-il pardonner? 3.

Je me souviens d'un ami qui se préparait à mourir, atteint du sida. Il était hébergé dans une maison tenue par des religieuses. Leur mission était exceptionnelle:  elles hébergeaient dans la paix ceux qui allaient mourir.

Les religieuses ne le traitaient pas comme un pécheur à convertir: elles s'occupaient d'autre chose que de morale. Elles s'occupaient à respecter, à faire confiance, à aimer.

Certaines personnes ont besoin, avant de mourir, de faire la paix: ils ne décrochent pas de la vie tant que n'est pas venu cette personne qu'ils attendent. Ensuite seulement ils se laissent glisser.

Cet ami avait demandé qu'on ne permette pas la visite à ses frères ou à ses soeurs: il ne voulait pas recevoir des gens qui, selon lui, l'avaient jugé, condamné, rejeté. Il voulait mourir en paix, et leur visite pouvait gâcher cette paix.

Cet ami n'avait plus une once d'énergie pour souffrir une visite dont il n'attendait plus rien. Il leur laissait le conflit, ce n'était plus son conflit, il n'y était plus. Simplement accepter de mourir, c'était son grand défi.

Au fond, il faisait la paix avec lui-même. Il faisait la paix avec la vie.


mardi 27 décembre 2011

Faut-il pardonner? 2.

Dans la pensée d'autrefois (un autrefois récent, celui de mon enfance), le pardon communiquait une éternité dans le ciel (après la mort). Remettre à plus tard de "passer au confessionnal", c'était jouer à la loterie: en cas de mort subite, on allait payer cher, et longtemps, cette négligence. Durant les retraites paroissiales, les prédicateurs ne se privaient pas de raconter le cas des malheureux frappés par la foudre, qui tombaient raide morts avec une âme en état de péché mortel.

En cas de maladie grave, on recevait la visite du prêtre qui donnait le sacrement d'extrême-onction. Avec une huile bénite, il posait des signes de croix sur les yeux, sur la bouche, sur les mains: pour effacer les péchés commis par les sens. Le prêtre donnait aussi la communion: cette hostie s'appelait "le viatique" ( = pour le voyage). Chez les Romains, on mettait une pièce d'argent dans la bouche du mort: c'était aussi pour le voyage. Le passeur, celui qui maniait la barque pour passer les âmes, demandait à être payé.

Le pardon, on avait donc tous intérêt à le recevoir. À moins d'être un enfant encore innocent, ou bien d'être un saint comme le frère André, c'était admis et enseigné qu'on étaient tous pécheurs, et qu'il fallait un pardon pour effacer les péchés. Chaque village avait son boulanger pour le pain et son curé pour les péchés.

Les jours qui précédaient Noël, il y avait donc de longues séances de confessionnal. Ainsi on commençait l'année sur un bon pied. Jamais on n'aurait entendu parler d'un pardon "humain", celui qu'on se donne à soi-même, ou qu'on accorde à son monde.


lundi 26 décembre 2011

Faut-il pardonner? 1.

C'était une tradition dans les shetls (les villages juifs d'Europe, avant la Shoah), d'échanger des pardons entre voisins, une fois par an. On se visitait et on faisait la paix.

Dans mon enfance catholique, nous n'allions pas demander pardon entre nous, après nos chicanes et nos batailles. Le pardon (et la culpabilité) se passait entre nous et Dieu:  chaque mois toutes les classes du primaire se rendaient, en rangs, jusqu'à l'église. À tour de rôle, chacun entrait dans la noirceur du confessionnal pour chuchoter ses péchés et recevoir une absolution des péchés confessés. Cela s'appelait le sacrement de pénitence.

Chose certaine, nous n'apprenions pas à nous pardonner à nous-mêmes. C'était à Dieu qu'il fallait demander pardon.  C'était lui, d'ailleurs, qui avait le gros bout du bâton et qui allait nous punir par l'enfer éternel, à moins d'obtenir son pardon en passant par le confessionnal.

Le "petit catéchisme" nous l'enseignait, à partir d'un texte de la bible:  c'était un texte qui racontait les paroles de Jésus après sa résurrection. Il avait dit à ses apôtres (futurs évêques de la nouvelle Eglise)  qu'eux seuls auraient le pouvoir d'ouvrir ou de fermer le ciel aux croyants, de pardonner ou de ne pas pardonner les péchés.

Une des conséquences possibles de cette éducation d'autrefois, c'était de vivre avec un sentiment constant de culpabilité.  (La pratique quotidienne d'examen de la conscience permettait de faire le bilan des fautes de la journée, dont on reconnaissait être coupable).  Pour vivre en paix, il était plus simple de nier cette culpabilité, en la rejetant sur les autres. (Freud:  la projection) On rendait les autres coupables.

Pratiquer le "pas de blâme"  permet de respirer à fond, en paix. Si je comprends bien cette pratique, elle a comme fondement une attitude pacifique vis-à-vis les émotions qui nous visitent. Reconnaître qu'on est en colère, sans se blâmer d'être visité par cette émotion:  ainsi elle passe.


vendredi 23 décembre 2011

chien et chat

Pourquoi se priver?  Chien et chat sont différents mais on n'a pas besoin de comparer, ils donnent chacun beaucoup de plaisir, à leur manière. Si on a à choisir, il faut choisir les deux.  Ils s'entendent très bien, d'ailleurs.

Les animaux ont beaucoup de sensibilité. Sans vous insulter, je dirais qu'ils en ont davantage que les humains. C'est pas un reproche que je nous fais:  je constate sans porter de blâme. L'explication:  leurs sens captent davantage. Leur radar est toujours en alerte:  ils ne perdent rien des bruits, des odeurs. Ils sont tellement présents à tout ce qui est autour! Et pas seulement à l'heure de la bouffe!

Et puis, ils adorent être avec nous. Un chat vient s'installer sur moi, si je m'assois dans un fauteuil, comme dans un nid, et ronronne. Mon chien Charlot s'étend à côté du fauteuil, comme un gardien attentif. Heureusement qu'il ne grimpe pas sur le fauteuil, vu sa grosseur!

Je ne comprends pas ces maisons qui interdisent les animaux domestiques. Quel règlement inhumain! C'est comme si on interdisait le chauffage, le téléphone et la musique. C'est obliger à la solitude froide. L'équivalent d'un pénitencier.

Je suis persuadé qu'on change, quand on vit avec eux. Les Egyptiens avaient cette sagesse, ils les honoraient, sans lésiner, en leur reconnaissant une âme tout aussi immortelle que l'âme des humains.


jeudi 22 décembre 2011

La bouffe et les anciens combattants

Ils mangent trop, parce qu'ils s'ennuient. Tania, qui travaille dans une maison de retraite qui héberge les anciens combattants, m'a dit ça, ce soir:  quand ils arrivent dans cette résidence, ils engraissent.

C'est un monde à part, les anciens combattants. Un monde invisible, au Québec. Pourtant il dit y en avoir, des vétérans, mais combien?

De la deuxième guerre mondiale, ils doivent être rares, les survivants. S'ils avaient 20 ans en 1945, ils en ont 86 aujourd'hui. L'âge où on peut être en perte d'autonomie, et se retrouver dans une maison d'accueil.  De la guerre de Corée, il y a certainement des vétérans plus jeunes, mais la mobilisation n'était pas obligatoire pour la guerre de Corée, alors le nombre de vétérans est réduit.

Ils s'ennuient dans cette résidence.  Les parents les visitent peu. Ils mangent. Ils font peu d'exercice, ils prennent du poids.

Surtout, ils chiâlent.  Au Québec, chiâler signifie critiquer, se plaindre. Etre mécontent de ce qui se passe autour, bougonner, ne pas être heureux. Les vieux vétérans ne sont pas heureux, qu'on me dit.

Comme ils sont à l'écart, on ne le sait pas que leur vie se termine dans une sorte d'amertume.  Ils ont une pension, ils mangent.

Il y a toujours eu des guerres, et toujours des survivants, qui vieillissent et deviennent des vétérans de guerres oubliées. Est-ce qu'il y a eu des époques où ces vétérans continuaient à raconter, à créer, à vieillir heureux? Comme Zorba le Grec?


Kleist et les anges

Dans sa lettre d'adieu, avant de se suicider, Kleist écrit à sa cousine Marie von Kleist:
"Ah, ma très chère Marie, puisse Dieu t'appeler bientôt dans ce monde meilleur où l'amour des anges nous réunira tous dans une même étreinte! Adieu!"
... C'est pas gentil, de souhaiter ainsi à la cousine une fin prochaine... mais ce cher Heinrich, il y croyait fort à ce monde meilleur où l'amour des anges... bref, c'est le bicentenaire de cette mort.

Ça m'a conduit à lire un texte de Michèle Jung qui tient un blog sur Kleist.

 Elle commente la passion qu'avait Freud pour l'antiquité (sa collection de pièces venant d'Egypte). Ce texte de madame Jung, je vous en donne une phrase. (Comme on dit au Québec:  mettez-ça dans votre pipe):

"C'est dire que, pour le psychanalyste comme pour l'archéologue, c'est au présent -comme l'un des futurs possibles et inachevés-  que se construit et se crée l'histoire du "sujet" pour qu'il entende de l'inouï."

Je voulais me retenir, vous garder pour demain la phrase qui fait suite, mais je cède, ainsi vous dormirez mieux. Voici donc la suite:

"C'est dire aussi que la vectorisation de la temporalité part du présent pour en informer le passé, le lieu des évènements passés se trouve ainsi être celui de la mémoire actuelle".

Bon. Je ne suis pas qualifié pour vous expliquer le texte. Disons que j'ai entendu de l'inouï... Mon grand-père Ferdinand, grand-père paternel, accordeur de piano, avait l'oreille absolue. Je crois qu'il gardait silence.


mardi 20 décembre 2011

Tancrède

Mon ami Albert a téléphoné. Son Tancrède est mort aujourd'hui. Tancrède, c'était un matou qui le suivait partout, même sur le tracteur. J'ai demandé à Albert combien de chats il lui reste. Il en a compté huit. Plus une chatte qui va bientôt accoucher. Mais Tancrède parti, c'est un deuil.

Albert est acadien. On peut être né à St-Denis-sur-Richelieu et être acadien. Sur les vieux baptistères de St-Denis, ces vieux registres paroissiaux des naissances, il y a des Gaudette "nés en exil", m'a dit Albert. Un acadien c'est un exilé. Certains se souviennent de cet exil: c'est une sorte de vieille colère collective, authentique, permise. D'autres, nombreux, ont perdu la mémoire, ils seraient surpris d'apprendre qu'ils sont exilés.

"Oublie pas les ptits bois sur la ligne à hardes: ça va être un temps séchant!"  (les épingles à linge... la corde à linge...)  Albert m'instruit, à chaque téléphone, de vieilles parlures qu'il va chercher en Nouvelle-Ecosse, dans ses pèlerinages.  À tous les quatre ans, ils se rassemblent pour fêter l'identité:  ils viennent de partout, m'a dit Albert.

Je fais partie de ceux qui ne se souviennent pas. Mon grand-père Alexandre, c'était un Dugas, d'origine acadienne.  Après la déportation, toute une population était revenue "en Canada", remontant la rivière Richelieu. Les Dugas s'étaient installés à St-Thomas, près de Joliette (qui s'appelait "L'industrie"), puis à Ste-Elizabeth. Les souvenirs d'Alexandre, ils remontaient jusqu'à ses parents, pas davantage. Il cultivait surtout le tabac.


lundi 19 décembre 2011

Deux sortes de bouquins

J'ai terminé aujourd'hui la lecture de deux bouquins qui sont aux antipodes. L'un est très savant et je ne vous le recommande pas. L'autre est une bande dessinée, et vous risquez de le chercher en librairie pour l'offrir en cadeau.

Le livre savant:  j'ai présumé que vous ne l'aimeriez pas, mais le contraire est possible. Un bouquin écrit par un érudit pour les érudits. Une sorte d'exégèse, ou même de dissection d'un texte ancien, comme on dissèque un cadavre. Pas le genre d'érudition que j'aime fréquenter. C'est une analyse d'un Dialogue de Platon par un universitaire britannique. Je l'ai lu jusqu'au bout, me disant que les dernières pages allaient sans doute apporter de la nourriture. Pas cette fois-ci.

La bande dessinée:  par Cyrille Pedrosa. Le titre: Portugal.  L'équivalent d'un roman touchant, sur le destin des familles portugaises émigrées. Le danger de cet album, c'est qu'il est difficile de le quitter, vous verrez. En fait, une fois qu'on l'a lu, c'est lui qui nous habite, comme un ami qui s'installerait à la maison. Comme un parent qu'on retrouverait.


Deux sortes de bruits

Mon chien Charlot, un gros bouvier bernois, ronge un os. Ça fait tout un tapage, ce gros os qu'il manipule sur le plancher de bois. Ce soir, je me dis que tout ce bruit qu'il fait, ça donne du goût à son os. Charlot ne cherche pas à faire davantage de bruit, ni à le diminuer: c'est exactement le bruit d'un os qu'il gruge avec application. Charlot n'a pas appris la discrétion, du moins pas celle des bonnes manières à table.

Il y a de ces bruits qui vont avec le plaisir d'autre chose. Mon petit voisin qui se pratique, l'été, à des lancers d'un ballon dans le filet:  il tape et tape un ballon sonore, avec le bruit normal d'un ballon qui rebondit correctement, avec toute l'énergie qui précède le saut en hauteur et le lancer dans le filet.

Ou bien ce bruit répétitif, celui du cri de l'engoulevent, au-dessus des toits:  je le guettais, les soirs d'été, dans l'enfance. Il criait une sorte d'appel, et j'attendais la suite qui allait venir:  son plongeon. Quand il repliait les ailes et fonçait vers les toits, c'était le bruit du sifflement d'une bombe. Il gobait un insecte et remontait dans le ciel, et le bruit d'appel reprenait.

Ce bruit des rames qui frappaient l'eau, sur la rivière l'Assomption. Je goûtais tout ce bruit:  l'entrée de la rame dans l'eau, puis sa sortie. Avec, en prime, tout le grincement du métal, là où la rame était fixée sur la chaloupe Verchères.

C'est la première sorte de bruits, la bonne.  L'autre sorte, évidemment que c'est la mauvaise.


samedi 17 décembre 2011

Tiens, il fait soleil

Il était aller se promener, le soleil. Maintenant il est de retour: il se chauffe au soleil. Pas moyen de se chauffer autrement quand on est le soleil. Vous vous êtes déjà chauffés à la lune? Chauffés à la terre? Vous voyez, on se chauffe au soleil, pas autrement. Même le soleil il peut pas faire autrement. À moins d'arrêter de se chauffer, mais ça s'rait pu le soleil.

Quand il va se promener, il est encore le soleil mais en promenade, ailleurs. Nous autres, on gèle quand il se promène ailleurs et on se dit: va-t-il revenir bientôt? On guette par la fenêtre givrée et on se dit: quand il va rentrer, la fenêtre va dégivrer et on le saura qu'il est revenu.

Voilà qu'elle dégivre... et j'applaudis. Rentré de sa promenade le soleil se repose, il se chauffe et ça fait de la brume. Toute la terre mouillée se couvre de brume et c'est pas déplaisant. On dit: c'est bon signe. Une brume dorée, d'ailleurs. Dorée sur tranche. Comme une tranche de pain doré, tout chaud, avec du sirop d'érable dessus.

Les enfants mangent leur tranche de pain doré, redemandent du sirop, et une autre tranche de pain doré pour terminer le sirop.  Puis ça va, ils ont bien mangé et ils sortent dehors dans la brume ensoleillée.


vendredi 16 décembre 2011

panne d'essence

Ça m'arrive, d'être en panne, dans ce blog. Comme maintenant. C'est tellement plus facile d'ouvrir un volume et de lire. Si on choisit bien le livre, on est certain d'y trouver une histoire, un plaisir. Ouvrir ce blog en page blanche, c'est chaque fois plonger sans filet.  Quelle histoire y mettre, qui donnera du plaisir?

Pour résister à l'angoisse qui me prend, quand je suis en panne sèche, je me lance dans l'écriture automatique. J'en couvre des pages, pour tâcher de réveiller les neurones. Des pages loufoques. Ça ferait un blog bien différent si je me risquais à cette transfusion, en vases communicants!

Mais mon amie Hélène, à qui j'ai confié l'impasse où je me trouve, m'a dit:  écris sur ce vide!  C'est tout un sujet d'étude et d'analyse, le vide.

Mes vieux profs d'autrefois, ils répétaient que la nature a horreur du vide. C'était une belle phrase, qui ne veut rien dire, car elle est vide. La nature, c'est quoi, c'est qui?  Vous l'avez vue se promener avec une affiche: "J'ai horreur du vide" ?

Il y a un vide acoustique apparent:  quand c'est silence, et qu'on rêvasse. Pourtant si on branche une radio, on voit qu'il y avait tout plein de monologues et de conversations, dans un croisement d'ondes sur toutes les fréquences.   Toute la planète bavarde dans cette pièce où je suis, me pensant seul. Sans compter un fleuve plus subtil, le murmure intérieur des pensées des gens:  ce murmure qu'entendait les anges gardiens, dans le film Les Ailes du Désir...


mercredi 14 décembre 2011

Tous ces livres

Une lettre m'a prévenu:  j'étais en retard pour remettre un volume à la bibliothèque de Laval. J'y suis donc allé, rapporter le volume et payer l'amende. J'en ai profité pour aller consulter le répertoire, sur un des ordinateurs: je cherchais parmi les volumes d'Italo Calvino, puis de ceux d'Henri Michaux.

Les livres de littérature sont au troisième étage. Des milliers de bouquins, de toutes grandeurs, les uns reliés comme on reliait autrefois, d'autres plus récents. Il y en aurait pour plusieurs vies à les lire, comme il y en a eu plusieurs, à les écrire.

Je furetais, je souhaitais que le hasard me guide. Il y avait les étagères chargées des volumes de Jules Renard:  mon père Charles me parlait de Poil de Carotte.  Il y était, en plusieurs éditions différentes, certaines illustrées. J'ai remis à une autre fois d'en prendre un exemplaire.  C'est Henri Michaux que je cherchais.

Lui-aussi (ses livres plutôt) occupe plusieurs tablettes. Heureusement ce n'étaient pas celles qui sont inaccessibles, qui obligent à chercher un escabeau pour atteindre les volumes. J'y ai trouvé ce que seul Henri Michaux peut faire:  des pages remplies de signes à l'encre de Chine. Il pratiquait une sorte de dessin automatique, qui ressemblait à l'invention d'une écriture. Ce volume d'art  "Par des traits" présente aussi des pages d'écriture, les réflexions d'Henri Michaux sur l'éclosion des langages, et sur l'usage que les humains en ont fait.

Il y a tellement, tellement de livres: comme une foule silencieuse qui attend. Je me dis qu'il s'y trouve quelques volumes qui valent plus que tout le reste, qui disent simplement ce qui n'a pas été dit.

mardi 13 décembre 2011

Le cerveau enchanté

Toujours à la BBC (évidemment) on raconte aujourd'hui comment une jeune fille, atteinte du syndrome de Tourette, a décidé de sortir de cette sorte d'enfermement dû à la maladie. Avec toutes les manifestations tellement bizarres et souvent agressives qui accompagnent cette maladie, cette jeune avait abandonné une carrière de chanteuse, malgré son talent évident. Et puis voilà qu'elle retourne à son public, et quelle surprise!

C'est que l'emprise de cette maladie nerveuse se relâche, disparait le temps d'une activité artistique, spirituelle. Tout le temps qu'elle chante, cette jeune femme est libérée de tous ses tics et manies.

Oliver Sacks traite du syndrome de Tourette dans un de ses essais: il raconte comment un chirurgien, très estimé dans sa profession, est bizarre dans sa vie de famille, en fait il est bizarre partout sauf lorsqu'il entre dans la salle d'opération:  un miracle se produit. Il devient calme, précis, professionnel. À la sortie de son travail, il quitte le sareau du laboratoire et réendosse le syndrome!

Comme c'est étrange. Le cerveau humain est une planète avec plusieurs royaumes, chacun autonome. Un de ces pays, celui de l'art, de la spiritualité, de la musique, de la méditation, ne connait que la paix. Chacun de nous a un cerveau paisible, enchanté, à visiter!

Autrefois (cet autrefois est récent), on devait parler de possession diabolique quand on rencontrait un malade atteint du syndrome de Tourette. Le prêtre arrivait avec l'eau bénite et l'encens, mais sans réussir l'exorcisme: le diable ne lâchait pas prise, la personne était résolument endiablée!


lundi 12 décembre 2011

Deux frères, âmes soeurs

Comme deux étoiles qui dansent ensemble, inséparables, des étoiles binaires:  Vincent et Théo Van Gogh...

Vincent était plus âgé que Théo:  alors il avait pris sous son aile son jeune frère. Vincent était entré au service de la maison Goupil, un commerce d'oeuvres d'art. Son jeune frère avait suivi ses traces. Ils étaient dans des succursales différentes. Alors ils avaient commencé à s'écrire.

Dans sa biographie de Vincent Van Gogh, David Sweetman nous apprend qu'on possède 670 de ces lettres écrites par Vincent à son frère. Dans une de ces premières lettres, il conseille à son cadet de fumer la pipe:  ça éloigne le cafard!

Dans un album qui regroupe des autoportraits de Van Gogh, j'ai compté cinq toiles où il fume la pipe.  Il en avait plusieurs, de ces pipes: on les retrouve dans d'autres toiles, sur une chaise, ou sur une table avec une lettre où on peut lire son nom sur l'enveloppe: ça doit être son frère qui lui répond.

En juillet 1890, il est rentré à l'auberge et est monté à sa chambre, sans se présenter au souper. Quand on s'est inquiété de lui, on a découvert que son lit était couvert de sang: il était blessé d'une balle. Les deux jours suivants, il était silencieux, il fumait sa pipe, attendant la mort.  Son frère Théo lui a survécu quelques mois seulement...


dimanche 11 décembre 2011

Les vies antérieures de Socrate

Dès leur naissance les enfants savent plein de choses. On dit qu'ils ont des réflexes, des instincts. Comme tous les jeunes animaux, on n'a pas à leur apprendre qu'ils ont faim: ils le savent et nous le font savoir!

Ils suivent des yeux ce qui se passe à gauche et à droite, ils tendent la main pour toucher, ils mâchouillent, ils tètent, ils se réjouissent en voyant le beau visage de la maman, ils reconnaissent les voix.

Puis les parents, chez les animaux et chez les humains, enseignent à leurs petits.

Socrate disait (à sa manière, celle d'un philosophe) qu'on apprend ce qu'on savait déjà et qu'on avait oublié:  on le savait dans une vie antérieure. Il suffit de questionner et on trouve les bonnes réponses. On reconnait d'instinct que ce sont les bonnes réponses, comme si on l'avait toujours su.

Socrate croyait à l'immortalité de l'âme, comme beaucoup de Grecs de son époque: les disciples de Pithagore ne s'occupaient pas seulement de mathématiques. Des groupes s'initiaient aux Mystères, se communiquaient les grands secrets. Socrate croyait aux réincarnations de l'âme.

Il ne faut pas s'étonner de ce paradoxe: l'extrême du raisonnement et l'extrême de la croyance, chez le même homme. Le cerveau humain n'est pas simple, il ressemble à une ville avec ses faubourgs, ses ruelles, ses parcs, ses labyrinthes. Toute l'histoire de notre évolution continue à cohabiter en nous: on a bien un cerveau reptilien avec ses instincts! On a bien des bronches comme les poissons, quand on est encore un foetus! Et puis le cerveau a même une grammaire naturelle pour s'inventer des langages, avec sujet, verbe et complément (comme un ordinateur qui a déjà l'équipement d'un logiciel).


samedi 10 décembre 2011

Dehors ou dedans

Depuis hier, la température a chuté. Sous le froid plus vif, la neige a durci: les pas dans la neige rendent un bruit différent qui n'a plus la magie de réveiller les souvenirs d'enfance. J'avais beau, cet après-midi, reprendre le sentier de la veille, je n'y retrouvais pas l'espion allemand d'hier.

Le ruisseau en a profité pour occuper la place vacante: Dans ce champ tout blanc de neige, il se débat tant qu'il peut pour se dégourdir, dans un vacarme qui ressemble au tumulte des ruisseaux de printemps.

Ça m'a rappelé le père Émile Legault: il animait l'émission Eaux Vives, qui ne lésinait pas sur les ruisseaux printaniers. De la vraie beauté, à donner soif. C'était aux débuts de la télévision, en noir et blanc, ce qui convenait à la neige fondante qui alimentait les Eaux Vives.

Il était audacieux, ce père Legault. Un homme de théâtre. Il chantait la beauté du monde, à la différence du cardinal Léger qui priait et annonçait l'enfer dans les églises. Il y avait quelque chose de païen, à célébrer ainsi l'innocence, dans cette émission qui tournait le dos à la culpabilité.

La religion juive, puis la religion chrétienne, elles s'enfermaient dans les livres sacrés, dans les temples. Le monde des lièvres et des oies blanches, celui de notre planète et tout autour, il était comme un décor sans importance: l'homme et son Dieu, seulement, tenaient des rôles. Évidemment, seul l'homme avait une âme.


vendredi 9 décembre 2011

Les bruits d'autrefois

Fin d'après-midi je marchais dans la neige. Mon chien Charlot galopait autour, occupé à tout sentir. Parfois il s'accroupissait dans la neige pour en manger une bonne lapée, puis repartait dans son galop.

Je n'ai pas accès à son univers d'odeurs. C'est le bruit des pas dans la neige qui a pris toute mon attention: je revivais un bruit d'enfance. C'était lorsqu'il n'y avait rien d'autre que ce bruit, exactement celui-là, celui des pas dans la neige.

J'avais huit ou neuf ans, je le sais parce que c'était encore la guerre mondiale. L'émission radiophonique "Madeleine et Pierre" nous faisait frémir avec cette présence d'espions allemands.

Toutes les fins d'après-midi je collais mon oreille sur cette radio, pour ne rien perdre de mon aventure. Je descendais dans cet univers comme un sous-marin qui s'immerge et disparait sous l'eau.  Une émission de peu de paroles, toute cousue de bruits comme des pistes à suivre.

Ces pas dans la neige, j'ai appris, bien des années plus tard, qu'on les réussissait en écrasant des céréales tout près du micro de Radio-Canada. Ces bruiteurs, ils devaient s'amuser beaucoup. Jamais ils n'auraient pu se douter de l'intensité d'émotion qu'ils communiquaient à leur auditoire d'enfants.

L'émotion de suivre les pas d'un inconnu, sans doute un espion allemand. Cet après-midi, Charlot galopait et moi je réentendais les pas de cet inconnu. J'avançais avec lui, sur un sentier enneigé.


jeudi 8 décembre 2011

Et si c'était toujours la même chose?

Il y avait une dame débordante d'énergie. Elle tenait un kiosque au Salon des Artisans: elle y vendait ses toiles. Un kiosque où je me suis arrêté, intéressé par cette fantaisie de contes de fée. Il fait toujours gros soleil dans ses tableaux. Les autos, les toits des maisons, les personnages: tout en rondeur enfantine. J'avais pourtant l'impression d'une absence, d'un manque: dans les contes pour enfants, au détour d'une page, attention, arrive le dragon ou bien l'ogre!

Une inspiration m'a fait dire une bêtise. J'ai demandé à la dame si elle avait parfois le goût de peindre avec du noir, comme un orage avec des éclairs. Sa réponse est venue en coup de tonnerre: "Jamais!  Je suis positive!"

Si j'étais elle, je continuerais à peindre comme elle le fait: elle y trouve beaucoup de plaisir. Certainement que ses tableaux amusent aussi les gens qui les accrochent sur leurs murs.

Ce qui me chicotte, c'est la raison qu'elle m'a donné, celle de la pensée positive. Comme si elle avait pris une décision morale. Je me méfie de la  religion de la pensée positive. Ça me rappelle la devise de ma classe de collège, une phrase idéaliste qui me donne un frisson dans le dos:  "Nous ferons naître le bien à force d'y croire".  J'y trouve le style et l'allure de l'hymne national  "Car ton bras sait porter l'épée, il sait porter la croix".  Ouf. Quel passé!

J'ai pensé au père de Kurt Wallander: le vieil homme peint toujours le même coucher de soleil, sous deux versions: avec ou sans coq. Il y a du plaisir à s'en tenir à ce qu'on sait faire, à marcher les sentiers connus. Les lièvres n'en sortent pas, et ça sert à leur tendre un collet et à les attraper. J'ai mes sentiers, mes habitudes: pas de blâme. Mais je sais le piège qui attrape le lièvre naïf:  celui des croyances.


mercredi 7 décembre 2011

musique et bandes dessinées

Ce soir j'ai retrouvé mon petit groupe qui dessine un soir par semaine, à la Barberie (une brasserie-coop, où on est bien).  Chacun a son style, et le défi c'est d'y aller à fond, dans cette manière personnelle.  Plus ça va, plus nous sommes différents les uns des autres!

L'air de rien, nous dessinons les gens qui sont attablés autour de nous. L'air de rien?  Nos voisins de table le sentent bien, qu'on les dessine, mais ils l'acceptent gentiment:  ils sont généreux. Ce soir, un de nos "modèles" est venu nous retrouver. Son copain aurait dû en faire autant, car on a appris qu'il est dessinateur.  Celui qui est venu jaser et prendre sa bière avec nous, il est musicien et spécialiste en bandes dessinées.

Dans le ciel (pas celui des anges avec une harpe, mais celui des planètes) il y a plein de vastes solitudes, d'immenses distances. Il y a aussi des régions chargées de gaz bouillonnants, d'atomes et de molécules qui s'agglutinent:  des pépinières d'étoiles en naissance.

Cette brasserie sympathique, la Barberie, elle est un ciel miniature. Des solitudes y passent, comme des comètes. Parfois c'est une nébuleuse qui vient y tournoyer, et des étoiles s'allument.


mardi 6 décembre 2011

Urbain VIII

Cet après-midi j'ai visité, trop vite, l'exposition  "Rome"  au musée de la civilisation, à Québec. Il faudra que j'y retourne, avec du temps pour flâner, du temps pour laisser venir l'émotion.

J'ai pourtant eu la visite d'une émotion: devant le buste d'Urbain VIII, le brave pape qui a approuvé la condamnation de Galilée, en 1633, suite au procès intenté par l'Inquisition. C'était la belle époque.

Rome, c'est un gros morceau de nous, de nos attitudes.

(J'oubliais: il y avait aussi la grosse tête de l'empereur Constantin. Veux, veux pas, il fait partie de la photo de famille).

C'est l'empereur Hadrien que j'aurais aimé voir, celui raconté par Marguerite Yourcenar. Quand j'ai lu et relu "Les mémoires d'Hadrien", j'ai eu la piqûre pour lire sur l'histoire de Rome, puis sur celle de l'Egypte. C'est un bien grand cadeau qu'elle nous a fait, cette écrivaine, avec ce volume incontournable.


lundi 5 décembre 2011

Le célibat, les femmes, les enfants, la religion -2

Information transmise par la BBC, le 2 décembre 2011:

C'est un religieux instruit et important dans sa société (Arabie Saoudite) qui dépose la conclusion de son étude:  continuez à interdire aux femmes de conduire une automobile! Si on les laisse au volant des autos, ça fait augmenter la prostitution, la pornographie, l'homosexualité et le divorce. (l'étude ne précise pas quelle est la marque de l'auto qui produit tous ces effets).

Je ne sais pas si ce religieux est célibataire. S'il est marié, s'il a des filles, ses conclusions ne sont pas flatteuses pour elles: il les considère comme de pauvres innocentes en danger, ou comme des personnes dangereuses pour la moralité des autres.

Du temps de Socrate, quatre siècles avant l'ère chrétienne, les rôles étaient strictement définis pour les hommes et les femmes. Le commerce, les métiers, la politique pour les hommes. La maison pour les femmes.  Un homme de qualité est un homme qui sait commander, diriger. Une femme de qualité est une femme soumise qui sait obéir. Ainsi était la tradition transmise.

Est-ce que c'était la même tradition dans la culture des juifs? D'autres peuples vivaient-ils autrement?

L'enseignement religieux de mon enfance insistait beaucoup sur la soumission et l'obéissance. Poser des questions n'était pas valorisé. Apprendre par coeur et réciter le mot à mot, c'était être intelligent. Cela valait pour les hommes et les femmes. Notre société était infantilisée.


samedi 3 décembre 2011

Socrates Brasileira

Sa mère lui reprochait d'avoir donné le nom de Fidel à un de ses enfants: un nom lourd à porter. Il répondit en plaisantant:  "Maman, regarde quel nom tu m'as mis sur le dos!"

Aux informations de la BBC du 2 décembre 2011, on apprend que Socrate est aux soins intensifs à l'hôpital Albert Einstein à Sao Paolo, suite à un empoisonnement alimentaire. Tiens, un autre Socrate! (Pas celui qui a dû boire le poison nommé cigûe). Je suis allé lire tout ce qu'on dit de ce Socrate brésilien. Si vous allez aux archives de la BBC, au 21 juillet 2010, on raconte ce qui le rend exceptionnel.

Socrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira (ils n'ont pas peur des noms, ces Brésiliens), un ex-champion footballeur, une idole pour son pays.  Mais l'article révèle qu'il est beaucoup plus qu'un sportif exceptionnel. Il a bien justifié le nom de Socrates qu'il porte!

Docteur en médecine: il a continué de pratiquer cette profession après s'être retiré du football. Ce qui ne l'a pas empêché de devenir docteur en philosophie. Ni d'être commentateur en nouvelles sportives et culturelles. Ni de travailler à un roman. Ni surtout d'être papa de six enfants (dont le petit Fidel).

Il faut lire quelle attitude il a vis-à-vis les compétitions sportives:  il faut d'abord viser le plaisir de jouer avec créativité.  Lire aussi la place qu'il a donné à l'action politique. Durant la période de dictature militaire, son club de football était le seul à être complètement démocratique:  chaque membre avait un même droit de vote, quelque soit la place occupée dans l'organisation...

Je vois bien comment cette personnalité du Socrate athénien, celui qui vivait à la fin du 5 ième siècle avant l'ère chrétienne, continue à inspirer l'âme humaine.


le sapin se livre

Isabelle, son amie Gigi et Michel ont concocté un sapin de Noël comme il ne s'en fait pas. Ce sapin est une fille car il est habillé d'une robe. Il est enrobé. Sa robe, elle est faite de livres pour enfants. Une robe qui vaut des trésors, si on est un enfant.

Il n'y a pas l'étoile des mages, sur la tête du sapin. À la place, il y a un gnôme, un de ces habitants qui peuplent en cachette les sapinières, et qu'on ne voit jamais. Lui-aussi, il est certainement un trésor, si on est un enfant. Pour avoir la paix, ce gnôme s'est réfugié en haut du sapin, bien assis, confortablement. Ce gnôme ne voit rien de ce qui se passe autour de lui.

Il ne voit rien car il est trop occupé à lire un petit volume pour enfant. Isabelle, son amie Gigi et Michel auraient pu asseoir tout autour du sapin une trâlée d'enfants, ils ne nous verraient pas, à condition qu'on leur mette un livre pour enfants sous les yeux. Nous, on les regarderait, comme on regarde le gnôme qui s'est attribué la place de l'étoile.

La trâlée d'enfants tout autour du sapin, c'est pas une bonne idée: ils ne resteraient pas assis, ils dégarniraient le sapin de tous ces livres de contes, et le gnôme risquerait de perdre le petit livre qu'il lit attentivement.  Tout le travail d'Isabelle, de son amie Gigi et de Michel serait à recommencer.

Pour voir ce sapin habillé en robe de livres, ce sapin-fille, je vous donne les instructions:

1- vous vous rendez dans le quartier St-Jean Baptiste, rue St-Jean, à Québec. Choisissez une heure qui a de l'allure.

2- vous visez le clocher de l'ancienne église protestante, celle qui est attenante à l'ancien cimetière des anciens résidents. C'est une bibliothèque-joyau, comme un écrin pour bijoux royaux.

3-vous rentrez gaillardement. Vous verrez les étagères, elles sont toutes à hauteur d'enfants, faut s'agenouiller ou s'étendre par terre pour avoir accès aux livres. Ça vous rappellera que vous êtes dans une ancienne église.

4-le sapin-robe? Vous avez passé tout droit, sans le voir! Ça prouve que vous êtes pas un enfant! Les enfants, ils l'auraient vu tout de suite, c'est en entrant. D'ailleurs, vous n'auriez jamais vu l'intérieur de l'église-bibliothèque si vous étiez un enfant: vous seriez assis par terre à l'entrée de la bibliothèque-église  avec un de ces livres de contes et avec le gnôme juché en haut du sapin.


jeudi 1 décembre 2011

le célibat, les femmes, les enfants, la religion -1

Un tout petit mot seulement, ce soir. Le sujet est vaste, faut l'aborder avec lenteur.

Toujours au sujet de ce conflit entre religion et science, dans notre culture.  Ce qui me semble fondamental, c'est l'exigence d'obéissance dans cette culture chrétienne. Remettre en question un enseignement, le questionner, y réfléchir, en discuter, toute cette attitude est nécessaire en science, mais s'oppose à la culture catholique.

La démocratie ne fait pas partie des origines de l'Eglise catholique: quand l'Empire romain, avec Constantin, est devenu chrétien, l'organisation de cette Eglise a pris les caractéristiques de l'organisation de l'Empire. On a donc eu une sorte de monarchie théocratique:  le souverain est de droit divin, il représente Dieu. L'empereur est le bras séculier du pape.

L'Eglise a une structure militaire.  Une armée fonctionne avec discipline. Les membres n'ont pas à discuter, mais à obéir. Selon les époques, les rebelles ou dissidents sont exécutés, ou emprisonnés, ou exilés.

La liberté de pensée et d'expression ne sont pas des valeurs traditionnelles de notre culture: ce qui était valorisé, c'était l'abaissement, l'humilité, l'acceptation sans chercher à comprendre, la soumission à Dieu et aux gens du pouvoir ecclésiastique.

Dans cette longue tradition, cette structure militaire ne fait pas de place pour les femmes ni les enfants. Le célibat du clergé catholique est sans doute en partie d'origine militariste:  les moines-soldats sont célibataires, comme les Templiers.



science et religion -2

Science et religion peuvent cohabiter dans la même personne, ou même dans le même peuple. Là où ça ne va plus, c'est quand la religion devient le dictateur plutôt qu'une fenêtre sur le mystère.

Notre parenté culturelle  (nos ancêtres pour la pensée et les attitudes) remonte à trois sources distinctes (il y en a sans doute plusieurs autres): le monde juif, le monde grec, le monde romain.

Notre famille grecque pouvait laisser se développer librement religion et science.

Notre famille juive n'entendait pas à rire pour les questions religieuses: Yahvé était un dieu jaloux, qui mettait à mort les adorateurs d'autres divinités. Cette intolérance à tout ce qui n'était pas le peuple choisi, ne prédisposait pas à l'expérimentation: les idées étaient vite coulées dans le ciment. Je ne sais pas si cette culture fermait la porte à la recherche scientifique: vous m'instruirez là-dessus!  Beaucoup de juifs ont apporté de grandes avancées scientifiques, mais ces personnes avaient pris leur distance vis-à-vis la pensée traditionnelle, je suppose.

La secte juive, celle des disciples se réclamant de Jésus-Christ, a pris un virage à 180 degrés avec saint Paul: ces chrétiens ont quitté la famille juive et sont devenus romains. Ils ont même quitté la pensée de Jésus, qui lui ne favorisait pas le pouvoir.  La culture romaine légiférait, imposait. L'Eglise catholique romaine a tourné le dos à la science avec saint Augustin, le temps d'un millénaire, jusqu'à la période de la Renaissance.

Nous avons donc ces contradictions intérieures, dans notre ascendance culturelle.

Mais tous les régimes autoritaires, que ce soit sous Hitler ou sous Staline, ne permettent pas la liberté: les créateurs se retrouvent dans les camps, au goulag. Faudra cultiver les attitudes et la philosophie de nos ancêtres grecs, et reconnaître en nous les deux autres familles, la juive et la romaine.