Mon ami Albert a téléphoné. Son Tancrède est mort aujourd'hui. Tancrède, c'était un matou qui le suivait partout, même sur le tracteur. J'ai demandé à Albert combien de chats il lui reste. Il en a compté huit. Plus une chatte qui va bientôt accoucher. Mais Tancrède parti, c'est un deuil.
Albert est acadien. On peut être né à St-Denis-sur-Richelieu et être acadien. Sur les vieux baptistères de St-Denis, ces vieux registres paroissiaux des naissances, il y a des Gaudette "nés en exil", m'a dit Albert. Un acadien c'est un exilé. Certains se souviennent de cet exil: c'est une sorte de vieille colère collective, authentique, permise. D'autres, nombreux, ont perdu la mémoire, ils seraient surpris d'apprendre qu'ils sont exilés.
"Oublie pas les ptits bois sur la ligne à hardes: ça va être un temps séchant!" (les épingles à linge... la corde à linge...) Albert m'instruit, à chaque téléphone, de vieilles parlures qu'il va chercher en Nouvelle-Ecosse, dans ses pèlerinages. À tous les quatre ans, ils se rassemblent pour fêter l'identité: ils viennent de partout, m'a dit Albert.
Je fais partie de ceux qui ne se souviennent pas. Mon grand-père Alexandre, c'était un Dugas, d'origine acadienne. Après la déportation, toute une population était revenue "en Canada", remontant la rivière Richelieu. Les Dugas s'étaient installés à St-Thomas, près de Joliette (qui s'appelait "L'industrie"), puis à Ste-Elizabeth. Les souvenirs d'Alexandre, ils remontaient jusqu'à ses parents, pas davantage. Il cultivait surtout le tabac.
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