jeudi 8 décembre 2011

Et si c'était toujours la même chose?

Il y avait une dame débordante d'énergie. Elle tenait un kiosque au Salon des Artisans: elle y vendait ses toiles. Un kiosque où je me suis arrêté, intéressé par cette fantaisie de contes de fée. Il fait toujours gros soleil dans ses tableaux. Les autos, les toits des maisons, les personnages: tout en rondeur enfantine. J'avais pourtant l'impression d'une absence, d'un manque: dans les contes pour enfants, au détour d'une page, attention, arrive le dragon ou bien l'ogre!

Une inspiration m'a fait dire une bêtise. J'ai demandé à la dame si elle avait parfois le goût de peindre avec du noir, comme un orage avec des éclairs. Sa réponse est venue en coup de tonnerre: "Jamais!  Je suis positive!"

Si j'étais elle, je continuerais à peindre comme elle le fait: elle y trouve beaucoup de plaisir. Certainement que ses tableaux amusent aussi les gens qui les accrochent sur leurs murs.

Ce qui me chicotte, c'est la raison qu'elle m'a donné, celle de la pensée positive. Comme si elle avait pris une décision morale. Je me méfie de la  religion de la pensée positive. Ça me rappelle la devise de ma classe de collège, une phrase idéaliste qui me donne un frisson dans le dos:  "Nous ferons naître le bien à force d'y croire".  J'y trouve le style et l'allure de l'hymne national  "Car ton bras sait porter l'épée, il sait porter la croix".  Ouf. Quel passé!

J'ai pensé au père de Kurt Wallander: le vieil homme peint toujours le même coucher de soleil, sous deux versions: avec ou sans coq. Il y a du plaisir à s'en tenir à ce qu'on sait faire, à marcher les sentiers connus. Les lièvres n'en sortent pas, et ça sert à leur tendre un collet et à les attraper. J'ai mes sentiers, mes habitudes: pas de blâme. Mais je sais le piège qui attrape le lièvre naïf:  celui des croyances.


1 commentaire:

Michel à Isabelle a dit…

Oh le vilain Huberlulu, qui, comme le serpent de la Genèse, vient semer le trouble au Paradis terrestre...et voilà que la croyance infantile de la Dame-prototype se fend d'un légitime doute...le ver dans le fruit...
...Que de rêves brisés au profit de la connaissance du bien ou du mal? mais aussi, que de Savoir perdu au profit de la Foi aveugle...dilemme éternel...
Pour plusieurs, le confort de l'ignorance crasse semble plus souhaitable que l'angoisse crue de la lucidité...