mardi 24 juin 2014

Trous noirs. 54


(Ferdinand accompagne Ignace vers le monastère...)

Ignace:  "Tu veux qu'on parle du ciel avec les anges, tous les purs esprits?  On peut pas étudier ça dans nos réunions, Ferdinand. C'est pas de la chimie."

Ferdinand:  " Je te parle de l'univers, Ignace, je te parle pas des purs esprits.  Faut pas mêler la religion avec la science !"

Ignace:  " Quand on meurt, Ferdinand, notre âme, a sort-tu de l'univers ?  Et Notre Seigneur, après sa résurrection, quand il est monté au ciel pour s'asseoir à la droite de Dieu le Père, c'est-tu dans l'univers ? Si tu es chrétien, Ferdinand, tu connais la fête de l'Assomption... la Ste Vierge, dans sa robe bleue, elle est montée au ciel, elle-aussi: c'est ça que tu veux qu'on étudie dans nos réunions ?  Faut attendre de mourir, Ferdinand, pour voir nos parents et tous les purs esprits... En attendant, y a rien à étudier de cet univers invisible, tout ce qu'on peut faire, c'est nos dévotions..."

Ferdinand:  " On est des alchimistes, Ignace!  Nous, on respecte toutes les croyances, mais c'est la science qui nous intéresse: la terre, le feu, l'eau et l'air.  On pèse ça dans nos balances, Ignace.  La grande nouvelle, trouvée par les savants, c'est qu'il y a autre chose qui pèse énormément, c'est invisible, et on ne sait pas quoi."

Ignace:  " C'est de la magie noire, Ferdinand.  Si tu mets rien sur le plateau de ta balance, et que ça marque que ça pèse 100 livres, il y a un pur esprit qui s'amuse avec la balance, Ferdinand.  Moi, je toucherais pas à ça, c'est pas catholique."

Ferdinand: " Nous v'la rendus au monastère... As-tu les clés pour ouvrir la porte? "

Ignace:  " Ben certain que j'en ai un set de clés, j'suis dans le Tiers-Ordre des Jésuites, j'aide le chanoine François-Xavier... On va d'abord aller à la chapelle, faut arroser les fleurs, ça fait plaisir à la Sainte Vierge..."

lundi 23 juin 2014

Sketchbook page 16


Ces deux lignes d'écriture, il ne faut pas seulement les traduire d'une langue à l'autre.  Il y a beaucoup à en extraire, comme si on presse un citron. C'est possible que je n'y arrive pas. C'est probable que je fasse quelques pas seulement, sur ce sentier qui mène loin. Mais je me dis qu'il faut faire ces quelques premiers pas.

La première phrase semble une idiotie... Comment dire sérieusement que la science ne résoud pas les problèmes?  Elle ne fait que cela:  elle cherche à comprendre ce qui est encore une énigme... 

Mais il est question de mystères. Explorer un continent inconnu n'est pas explorer un mystère. Décoder une écriture qui semble indéchiffrable  (comme l'était celle des hiéroglyphes égyptiens, ou celles écrites en cunéiformes), ce n'est pas solutionner le mystère. 

Notre cerveau baisse les bras devant le mystère de l'infini du temps ou de l'espace. Il n'y a pas d'outils pour peser ou mesurer ou visionner l'infini. L'horizon recule toujours, à mesure qu'on avance, il n'y a pas de clôture, de frontière, de limite. 

Dans cette page du Sketchbook, la deuxième phrase est importante, pour ce qu'elle ne dit pas. "Un mystère n'a pas besoin d'être solutionné"... Alors, qu'est-ce qu'on fait, avec le mystérieux?  

La religion que j'ai connue dans mon enfance, elle solutionnait le mystère.  Il n'y avait plus d'angoisse, il y avait des réponses simples, et belles comme des histoires dont on ne change pas les mots. Il y avait le mot  "Dieu", puis la narration du peuple choisi, l'Ancien et le Nouveau Testament. À l'école de cette enfance, on apprenait le calcul, l'écriture, l'histoire et la géographie, et on apprenait à croire, à travers une obéissance, la connaissance du bien et du mal, la promesse du ciel après la mort. 

C'est mystérieux, toute cette beauté qui existe. Cet océan d'invention dans tout ce qui existe... Infiniment petit et infiniment grand: ce sont des mots dangereux, car ils nous égarent, ils nous trompent. Écrire "infini" ne signifie pas connaître l'infini. Écrire ou réciter "mystère" ne signifie pas l'approcher. 

Aller au bout de la connaissance scientifique, au bout de la confiance en notre intelligence, car l'univers est une merveille d'intelligence. Et ne pas renoncer au mystère de la beauté, au mystère de l'existence.  Le silence dit ce que les mots ne peuvent contenir, ne peuvent dire sans nous tromper.  Le paradoxe du non-savoir.

samedi 21 juin 2014

Trous noirs. 53


Ferdinand:  " Hé!  Ignace!  J'allais justement chez-toi pour te voir... Où tu vas comme ça? "

Ignace:  " Au monastère de Notre-Dame des Sept Douleurs... Pour aérer les corridors... Je fais la maintenance, vu que tout le monde est à l'hôpital... Tu peux venir avec moi, si tu veux..."

Ferdinand:  " C'est une bonne idée: on va parler tout en marchant."

Ignace:  " Demain matin, on rencontre Nicéphore pour régler les mises en demeure..." 

Ferdinand:  " Je suis au courant..."

Ignace:  " Comment tu sais cela ? Moi, je viens de l'apprendre..."

Ferdinand:  " C'est moi qui vous ai envoyé dans l'ancienne mine, alors c'est ma responsabilité... "

Ignace:  " Tu as payé la grosse note, avec l'incendie de ton atelier... Nous, c'est pas grand chose, à comparé à toi..."

Ferdinand:  " Tout va finir par s'arranger... Mais je voulais te parler de nos activités d'alchimistes..."

Ignace:  " Je t'écoute, Grand Maître."

Ferdinand:  " Penses-tu qu'on devrait fouiller ça ensemble, dans nos réunions ? " 

Ignace:  " Fouiller quoi ? "

Ferdinand:  " L'univers est quasiment tout invisible..."


vendredi 20 juin 2014

Sketchbook page 15.


L'étonnement est une nécessité.  J'essaie de comprendre ce qu'il y a dans ces quelques mots...

Si on changeait "étonnement" pour "amour", on n'aurait à convaincre personne. Pour naître à la personne qu'on est, il faut avoir été aimé, il faut aimer. L'amour est nécessaire pour que l'humain soit humain. Mais l'étonnement ?

J'ai l'impression qu'on passe facilement "à côté" de l'oiseau coloré, sans remarquer l'étrangeté de sa présence. Krishnamurti disait qu'on se satisfait de nommer les choses, comme si la connaissance du nom de l'oiseau suffisait. Cette sorte de connaissance est un piège pour les humains. Nommer empêche de connaître. On ne porte pas attention, on ne regarde pas attentivement, vu qu'on sait déjà ce que c'est, vu qu'on peut le nommer... Connaître, c'est d'abord naître.  La naissance de ce qui arrive maintenant, de ce qui vient au monde, à portée d'émerveillement. 

L'étonnement: un regard tout neuf. Regarder avec "reconnaissance", avec gratitude. La surprise de ce moment précis de tout de suite, maintenant. 

Transmettre l'étonnement plutôt que la connaissance des mots... Quelle révolution ce serait... 

jeudi 12 juin 2014

Trous noirs. 52


(Ferdinand a quitté Horatio pour aller voir Ignace. Horatio retourne à sa pelle ronde... La chouette Vénus vient tenir compagnie à son ami).

Horatio:  " Re-bonjour, la chouette!  

La chouette:  (elle lui fait un clin d'oeil)

Horatio:  "J'ai remarqué que tu étais dans le saule pleureur, quand on a piqué une jasette, Ferdinand et moi... Toi, qu'est-ce que tu en penses, de son idée des mondes invisibles ? "

La chouette:  (pas de réaction... elle attend qu'Horatio formule autrement ses questions )

Horatio:  " Je vais te fournir des réponses possibles: quand tu es d'accord, tu fais le signe du "oui"... Tu te souviens comment dire oui ? "

La chouette:  ( Elle ferme les deux yeux).

Horatio:  " Quand ta réponse est "non",  tu n'as qu'à tourner la tête vers la gauche et vers la droite... Je veux voir si tu as compris: Fais un "non"...

La chouette: ( Elle tourne la tête de gauche à droite).

Horatio:  " Alors je te demande ce que tu en penses... Ferdinand jure qu'il y a du monde invisible autour de nous, du monde qui nous entend... Dis "oui", si tu penses que c'est vrai..."

La chouette:  (Elle ferme les deux yeux).

Horatio:  " Hé ben... Ça me surprend que tu dises "oui" pour une folie pareille... Es-tu bien certaine de ton affaire ?"

La chouette:  (Elle ferme les deux yeux, les ouvre, les referme, comme pour le dire deux fois...)

Horatio:  " Ma chouette, j'aime pas trop ça, des fantômes dans les parages...  Je te pose une autre question:  Est-ce que je dois m'en occuper, de ce monde invisible autour de moi ?"

La chouette:  (Elle tourne la tête de gauche à droite, pour dire "non"...)

Horatio:  " Ça me soulage, tu sais pas comment!  Admettons qu'ils sont là, si tu le dis, mais je m'en occupe pas, je fais comme avant! Maintenant faut que j'avance un peu le creusage de cette fosse... Va-t-en pas, regarde-moi travailler, j'aime ça quand on est ensemble, ça me donne des ailes !" 

mercredi 11 juin 2014

Sketchbook page 14


J'ai l'impression de radoter. Et c'est plus qu'une impression:  c'est un fait, je radote. Allons-y quand même pour un commentaire sur ce radotage... "L'existence n'a pas de commencement".  

Dans la Bible, c'est dit autrement:  Au commencement c'était (déjà là). Au commencement ça existait. Autrement dit:  Le présent ("ça existe") avait un passé ("ça existait"). C'est une fausseté, car l'existence n'a pas de passé. 

Cela est vu à travers des lunettes qui déforment. C'est vu à travers notre minuscule expérience, toute teinté par hier-aujourd'hui-demain. L'existence n'a pas d'hier ni de demain, ce n'est pas une chaîne de moments pour former un collier. 

Cette page-double du sketchbook illustre ce paradoxe.  
La page de gauche semble vide. On ne peut rien écrire de vrai sur l'existence. Le mieux, c'est une page vide d'illustration ou de mots.  La page de droite est celle de notre expérience:  les transformations des existants, des êtres. Notre naissance et notre mort. 

Pourtant, la page de gauche, celle qui est privée de mots et de dessin, elle est nécessaire, indispensable. Une source vive. Un silence qui contient toutes les musiques. Une présence qui contient tous les désirs. 

Ce n'est pas nous qui pouvons écrire ou dessiner la page de gauche. Elle est. La page de droite est un dessin d'enfant: il s'applique à tracer des lignes avec ses crayons de couleur, pour dire ensuite: "regarde mon dessin!"  C'est très mystérieux, que la page de gauche tienne à des milliards de milliards de pages de droite. 

La source du cadeau d'existence. 


mardi 10 juin 2014

Trous noirs. 51


Ferdinand:  " Barbe ?  On se dit plus grand chose... J'ai aperçu un document qui traînait sur sa commode: Barbe est enregistrée comme prospecteur... Je devine qu'elle tient à son idée de relancer la mine de cuivre..."

Horatio:  " Elle pourrait faire ça ?"

Ferdinand: " C'est pas réaliste une miette... Ça prend facilement des millions pour mettre en opération une mine... "

Horatio:  " Rénover une vieille maison, ça coûte plus cher que d'en construire une neuve... La vieille mine, elle est condamnée, les tunnels peuvent s'écrouler n'importe quand..."

Ferdinand:  " Comment tu sais ça ?"

Horatio:  " Je te l'ai dit: je suis allé visiter la salle des cristaux... J'avais juste un souhait, c'était de sortir avant que le plafond m'écrase:  c'était plein de craquements sinistres, t'as pas idée! "

Ferdinand: " Bon, je vais continuer ma tournée:  je veux aller jaser avec Ignace."

Horatio:  " Moi je vais aller retrouver ma pelle ronde!  Ne te gêne pas de repasser, quand ça te le dit, Ferdinand..."

Ferdinand: " J'en ai encore pas mal à te raconter sur les mondes invisibles, tu vas être surpris !"

Horatio:  " En deux mots, c'est quoi ?" 

Ferdinand: " Faut pas penser que la partie visible de l'univers a le monopole de l'intelligence, Horatio... La matière noire et l'énergie noire, c'est habité aussi ! Du monde intelligent, Horatio !  Pas des monstres avec un oeil dans le front! Ça grouille de personnages invisibles autour de nous..."

Horatio:  " C'est les savants qui ont calculé ça, Ferdinand? "

lundi 9 juin 2014

Sketchbook page 13


A ride in existence... Passager d'un traversier qui serait l'Arche de Noé...
Then, others have a ride in existence... C'est très étrange. 

Dans cette page du sketchbook, ce qui manifeste ce côté étrange, quasi inattendu, c'est la girafe. Avec son museau étroit, ses petites cornes rondes, et ce cou démesuré:  elle n'a pas besoin de grimper aux arbres, elle a le nez dedans. 

Toujours on voit une girafe dans les livres d'enfants qui présentent l'arche de Noé. Sa tête dépasse par une fenêtre ouverte, surtout quand le déluge se calme. Il y a aussi un lion, un tigre, un éléphant.  Il n'y a pas de bison ou de castor.  Pas de bouvier bernois ou de labrador, ni de chat de gouttière. C'est une arche du temps du paradis plus ou moins perdu, et c'est la trève sur l'arche:  le lion et le tigre ne dévorent pas la girafe. 

Le plus étrange, c'est que l'existence ne nous parait pas étrange. Elle nous va comme un gant, on est fait pour exister. Les vagues bercent l'arche, la pluie tambourine sur le toit et ça endort la famille de Noé. 

La girafe ne trouve pas étrange d'être une girafe. Une tortue centenaire est très à l'aise d'être une tortue. L'existence se plait à exister, de toutes les façons, surtout de toutes les façons.

dimanche 8 juin 2014

Trous noirs. 50


Horatio:  " Les trous noirs?  Vas-y, professeur, je t'écoute! "

Ferdinand:  " En gros, Horatio, les savants savent maintenant que le monde est invisible... Tu me le diras si je vais trop vite dans mes explications."

Horatio:  " Le monde invisible, où ça, Ferdinand? "

Ferdinand:  " Drette ici !  T'as pas besoin d'aller chercher des trous noirs dans la grotte, le monde invisible est ici..."

Horatio:  " Je le savais déjà qu'on trouvera pas des trous noirs dans la grotte, j'y suis retourné dernièrement... Mais tu m'as déjà dit que j'avais des hallucinations, Ferdinand... Ton monde invisible, tu penses pas que c'est du rêve imaginé ?"

Ferdinand:  " C'est pas du rêve, Horatio ! Les savants ont calculé qu'on voit seulement un pour cent de l'univers. Quasiment tout l'univers est invisible. "

Horatio:  " C'est vrai qu'il y a plein d'espace dans le ciel, entre les galaxies... C'est ça, leur monde invisible, aux savants ?"

Ferdinand:  " Non, Horatio.  Tu vois pratiquement rien de ce qui est ici.  Ils appellent ça de la matière noire, de l'énergie noire. "

Horatio:  " Va falloir que tu expliques plus que ça, Ferdinand. Je comprends rien à ce que tu racontes..."

Ferdinand:  " C'est du calcul. Notre voie lactée, avec ses milliards d'étoiles, elle tourne comme une toupie. Ils ont calculé que c'est pas normal que ça tienne ensemble, à moins d'ajouter énormément de masse invisible pour que l'attraction fonctionne. Est-ce que tu me suis ?"

Horatio:  " Je veux pas t'offenser, Ferdinand, mais je te suis pas. Tu parlais d'une toupie qui tourne..."

Ferdinand:  " Quand tu prends une courbe trop vite, tu risques de partir dans le décor, pas vrai ?"

Horatio:  " Ouais, continue..."

Ferdinand:  " Un exemple:  la lune qui tourne autour de la terre... Si notre planète avait moins de masse pour attirer la lune, elle nous quitterait. "

Horatio:  " Je vois pas de monde invisible là-dedans, Ferdinand..."

Ferdinand:  " Ça manque de poids dans la voie lactée, ça manque d'étoiles... c'est le monde invisible qui fournit le poids qui manque, est-ce que tu comprends ?"

Horatio:  " La tête me tourne... Comment va Barbe? "

vendredi 6 juin 2014

Trous noirs. 49


(Horatio, en train de creuser une fosse au cimetière, voit Ferdinand s'approcher...)

Ferdinand:  " Bonjour Horatio!  Je te dérange ?"

Horatio:  " Ça c'est de la grande visite... Le Grand-Maître en personne!  Non, Ferdinand, tu me déranges pas, je vais prendre une pause." (Il grimpe en dehors du trou). " Le soleil tape fort, tu as pas ton chapeau, on va aller s'asseoir à l'ombre, il y a un banc à trois pas d'ici..."  (Ils vont s'asseoir, sous un saule pleureur).

Ferdinand:  " Tu sais que j'ai passé au feu ?"

Horatio:  " Tout le monde a été réveillé par la sirène des pompiers... Je passe près de chez-toi, j'ai vu que ton atelier est en cendres..."

Ferdinand:  " C'est pas de mon local que je veux parler, Horatio.  C'est moi, Ferdinand, qui a passé au feu..."

Horatio:  " Personne m'a dit que tu avais eu des brûlures... C'est arrivé quand ?"

Ferdinand:  " L'incendie m'a calciné à l'intérieur, Horatio. La première étape de l'alchimie, la calcination, tu te souviens ? Tu n'as pas idée de la chance que j'ai eu !"

Horatio:  " Tu as perdu tous tes livres, tes outils, ta bâtisse, et tu appelles-ça de la chance ?"

Ferdinand:  " Y'a un bon côté, une sorte de transformation... Je me reconnais plus, Horatio."

Horatio:  " C'est vrai que t'as l'air différent... Les gens disaient que tu étais en grande dépression, Ferdinand... Comme paralysé, presque muet..." 

Ferdinand:  " Je regardais les débris tout calcinés, je réfléchissais comme jamais avant... Sais-tu à quoi je pense tout le temps ?"

Horatio:  " Tu penses à rebâtir en plus moderne, c'est ça ?"

Ferdinand:  " Non, Horatio."

Horatio:  " Alors dis-moi le, à quoi tu penses, Ferdinand..."

Ferdinand:  " Aux trous noirs". 



mardi 3 juin 2014

Sketchbook page 12


À quel moment avons-nous perdu cette surprise ? 

... Il faut la retrouver au moins pendant un instant, cette surprise, pour s'étonner de vivre sans elle. Il faut la retrouver pour savoir qu'on l'a perdue. 

... It does exist... Ça existe !  
De quoi parlez-vous? 
Ça existe:  le monde, l'univers, tout ce qui est autour, partout. 

Pour se pratiquer à l'étonnement, on pourrait choisir de s'étonner que la musique existe. Que la couleur existe.  Que le désir existe. Que le rire existe. 

On peut s'étonner aussi de se retrouver dans ce bateau, à bord de l'existence. 

... L'existence ne vient pas de la non-existence. Le néant ne précède pas l'existence du monde. On ne peut pas venir du néant, ni tomber dans le néant. Il n'existe pas. Il n'a pas d'existence. 

C'est un paradoxe hallucinant: il n'y a pas de moment qui précède l'existence. 
Et "Ça existe"  se transforme, d'un big bang à l'autre, d'une saison à l'autre, de naissance en naissance. 
On voit le soleil se lever, se coucher: on a des souvenirs, des projets, des peurs. 
Les vagues de l'océan de l'existence.

Et puis on a le droit de dire merçi. Si ça aide à respirer profondément, pourquoi pas? 
Les petits enfants entendent une musique:  tout de suite ils dansent. Dire merçi, comme une respiration, comme un réflèxe de danse, vu qu'il y a la musique qui nous rejoint. Un sourire qui dit merçi. S'il vient, le laisser venir, comme l'enfant laisse venir la danse. 

lundi 2 juin 2014

Trous noirs. 48


(Sonnerie à la porte:  Hadelphine va ouvrir...Elle fait entrer Barbe)

Hadelphine:  " Bonjour Barbe!  Je me demandais si tu viendrais ce matin... Es-tu remise des émotions d'hier soir? Prends une chaise, j'apporte le café sur la table."

Barbe: " Toussaint est sorti ?"

Hadelphine:  " Il est allé rencontrer ses trois copains. Demain matin, ils vont régler leur dossier chez Nicéphore, alors Toussaint veut se préparer."

Barbe: " J'ai dû les décevoir pas mal, en ne signant pas l'entente, quand je suis allé chez Nicéphore... "

Hadelphine: " Toussaint m'a dit que tu voulais repartir les opérations à la mine de cuivre?"

Barbe: " On est pas rendu là... Opérer une mine, j'aurais jamais les moyens financiers, t'as pas idée, Hadelphine, de la fortune que ça prendrait... "

Hadelphine:  " Alors qu'est-ce que tu vas faire ?"

Barbe:  " S'il y a de bonnes réserves de cuivre, je peux mettre un claim pour avoir l'exclusivité, puis je peux vendre mon claim à une compagnie minière... Je me suis enregistrée comme prospecteur..."

Hadelphine: " Faut que tu m'expliques mieux, Barbe..."

Barbe:  " Je vais aller visiter l'ancienne mine, prendre des échantillons, les faire analyser... Tu vois, c'est le début."

Hadelphine:  "Qu'est-ce que Ferdinand en dit, de ton projet?"

Barbe: " Depuis l'incendie, il est quasi paralysé, on ne dit plus ce qu'on pense, je garde tout ça dans ma tête... Ça me fait du bien d'en parler avec toi, Hadelphine."

Hadelphine:  " Ça doit pas être vivable, fonctionner en couple sans se parler. Si j'étais toi, je casserais la glace avec Ferdinand. Tu ne devrais pas attendre."

Barbe:  " Ce matin, j'étais sur le bord de tout lui raconter. Mais il avait déjà son chapeau sur la tête, il a passé la porte. Je sais pas où il allait..."

Hadelphine: " Pourquoi tu fais tout ça, Barbe ?"

Barbe:  " Pourquoi je le ferais pas ?  La seule façon de savoir si le projet a de l'allure, c'est de l'essayer.  Si je le fais pas, je vais regretter toute ma vie de pas avoir foncé. "

Hadelphine:  " Tu y vas quand, à l'ancienne mine? "

Barbe:  "Anastasie doit aller à la grotte, consulter Delphina. Je vais en profiter pour voir de mes yeux ce que Toussaint a raconté, et ramasser des échantillons. Si ça fonctionne pour Anastasie, j'y vais demain."