dimanche 11 septembre 2011

27- Les prophètes d'Israel

Je voyais bien que Galilée voulait en finir avec tout ce récit. Le savant avait des travaux à poursuivre, la fièvre des découvertes ne l'avait pas quitté. Je l'ai laissé poursuivre:

" C'était il y a vingt ans. J'avais écrit une lettre à la Grande- Duchesse de Lorraine. Mon ami, le professeur Benedetto Castelli, était inquiété pour avoir soutenu la thèse de Copernic. J'ai voulu lui apporter mon soutien: c'était avant qu'on m'interdise d'agir ainsi. J'écrivais que dans le domaine des phénomènes physiques, la Bible n'a pas de juridiction. Ma lettre à la Grande-Duchesse, si elle était tombée dans les mains de l'Inquisition, elle aurait pu allumer un bûcher sous mes pieds, comme le bûcher de Bruno.

" Chez-vous, en Grèce, vous connaissez une liberté que nous avons perdue ici depuis treize siècles. À Athènes, vos savants ont la liberté de réfléchir et de s'exprimer. Vous n'avez pas à vous soucier de la Bible des Juifs.  Quelle extraordinaire liberté vous avez!  Si le coeur vous en dit, vous vous rendez dans un sanctuaire d'Apollon consulter un oracle: il répond à votre question, au nom du dieu. Vous participez aux grandes festivités nationales. Vous êtes des citoyens libres dans une démocratie qui formule ses lois.

" L'Eglise romaine a abattu toutes les idoles d'autrefois, pour ne reconnaître que la Bible écrite par les prophètes d'une préhistoire juive. Les seuls oracles pour interpréter ces textes hébreux, ce sont les hommes au pouvoir dans l'Eglise de Rome. Ils ont toute juridiction sur la pensée des citoyens, que ce soit une affirmation scientifique ou pas. Je vous assure que le pape qui m'a interdit d'enseigner Copernic, par l'entremise de son ami le cardinal Bellarmin, il ne doutait pas de sa juridiction.

" La Renaissance m'avait semblé un raz-de-marée qui emportait les vieilles digues. Les découvertes se succédaient en cascades, c'était un monde en ébullition, nous étions en euphorie dans chaque discipline universitaire. Je croyais que nos savants prélats allaient se réjouir avec nous de tous ces horizons neufs.

" Ils possédaient déjà toute la vérité sur tout. Yahvé avait inspiré ses prophètes pour l'écriture de la Bible, et Yahvé continuait à inspirer son Eglise. Toute nouvelle connaissance scientifique devait passer le test de sa conformité avec les textes des prophètes d'Israel. Eux seuls, les prélats de l'Eglise romaine, pouvaient en juger, avec un droit de vie ou de mort. Penser autrement qu'eux, c'était tomber dans l'hérésie protestante, c'était aller vers le bûcher et l'enfer.

" Oui, quelle chance vous avez encore, dans cette Athènes où vous allez retourner.  Le tsunami n'a pas encore noyé toute liberté de penser, chez-vous"


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