mardi 1 novembre 2011

Samedi, puis dimanche

Il serait tentant de prendre "congé de blog", congé d'écriture, pour quitter cet espace exigeant et s'en reposer. Je sens bien ce tiraillement, ce combat entre la gauche et la droite. Les Grecs anciens donnaient le nom d'agonie à ce combat, à cette compétition qui les caractérisait tellement. Ils ne pouvaient pas s'empêcher d'agoniser entre eux. Depuis, le mot s'est figé autour d'une image, autour d'une seule histoire, pour désigner ce mauvais quart d'heure, cette dernière nuit de vie, celle qu'on passe à trépasser. Entrer en agonie nous mène directement au jardin des oliviers, un vendredi saint.

Pourquoi est-ce aussi agonisant, entrer dans ce travail d'écriture? La Bible en faisait une punition, un châtiment:  tu accoucheras dans la douleur. Dans cette histoire de punition, il fallait bien inventer aussi ce qui mérite la punition. Il fallait inventer la désobéissance. Je souffre à accoucher d'une page d'écriture, parce que j'ai désobéis quelque part. Les créateurs d'une page de musique, de danse, ou d'un plan d'architecture, ils entrent en agonie mais n'en meurent pas.

Prendre congé de création, c'est aussi une vieille histoire vénérable: la Bible, dans son récit de la création de l'univers en six jours, raconte bien que Yahvé prend congé de création le septième jour. Il inaugure la fin de semaine, le sabbat. Notre dimanche chrétien a tourné le dos à cette genèse de l'univers. Toute la pensée religieuse change d'histoire. Terminée, cette lecture du roman de la création du monde. La main se tend vers un autre roman, qui raconte un nouvel univers, ailleurs. L'image n'est plus celle du travail des six jours créatifs suivis du samedi reposant, mais celle d'un dimanche de résurrection des morts. Le héros n'est plus Yahvé mais un fils qui monte sur le trône céleste, sorti du tombeau.

Tout ce qui existe a celle couleur d'origine, ce besoin de combiner autrement les atomes, de varier la recette en tentant d'autres attaches, d'autres associations. Des vagues d'énergie viennent brasser toutes les molécules comme on brasse les dés. Quels sont les chiffres gagnants?

Si on existe, on est comme une phrase qui s'écrit. Le cerveau en fait des histoires que réclament les enfants avant d'aller dormir.


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