dimanche 23 octobre 2011

allocution Steve Jobs -suite 7 (finale)

"Soyez insatiables. Soyez fous."  Steve Jobs termine son allocution aux jeunes diplômés avec le message d'adieu des éditeurs du Whole Earth Catalogue des années 70.  Il m'est facile d'entendre ce message qui convient bien, vu qu'il est adressé à des jeunes qui vont se lancer dans la vraie vie:  "Allez-y, vous avez droit aux grands rêves, ne vous gênez pas, ce n'est pas pour vous le moment d'être d'abord raisonnables".  Ça m'est facile de trouver ce message sympathique et de tourner la page. Ainsi je me prive de l'entendre.

Je ne sais pas si c'est sagesse ou folie, mais je retourne à Socrate. Si seulement je le connaissais, par une étude suffisante des dialogues de Platon et des écrits de Xénophon, peut-être que je pourrais faire un parallèle entre Socrate et Steve Jobs, dans ce "Soyez insatiables, soyez fous". Je n'ai pas cette connaissance. Par contre, je peux partir de mon ignorance, quitte à terminer aussi avec cette ignorance: c'est une façon qui ne contredit pas Socrate.

Etre insatiable: ne pas seulement y goûter, mais plonger dans la potion magique comme Obélix! En avoir une passion. Pour ceux qui ne vivent pas cette passion, ça passera pour "trop".  Mes professeurs dévoués d'autrefois enseignaient la philosophie de saint Thomas d'Aquin. Ils répétaient: la vertu se tient au milieu, entre deux excès. Il était question d'équilibre, de mesure. L'éloge de la folie n'était pas au programme de la philosophie thomiste.

Ils allaient plus loin que cet encouragement à la vertu raisonnable, car ils étaient religieux. Ces maîtres de vie nous apprenaient d'abord à renoncer à la vie. La sagesse proposée était celle d'enfants sages, disciplinés, qui "écoutent ce qu'on vous a dit", qui obéissent sans poser de questions. Cultiver les passions n'était pas dans le paysage, l'esprit étant en lutte contre le corps. Le chemin proposé était celui du renoncement. Les héros de l'époque: ceux qui se sacrifiaient, qui renonçaient à goûter, à jouir. On célébrait Thérèse de l'Enfant-Jésus qui se privait de couvertures de laine pour bien grelotter dans son lit, jusqu'à mourir de tuberculose, pour ensuite laisser tomber sur la terre une pluie de roses. Socrate, absent.

La mort était très présente dans tous ces examens de conscience, toutes ces prières du matin et du soir.  Comme ces ermites qui posaient un crâne sur leur table de travail. Renoncer à cette vie brève, présentée comme un test avant l'examen d'entrée au paradis, l'au-delà, cette vie éternelle. C'était aussi sous le signe d'une belle folie, d'une générosité, d'un don de soi, à l'exemple de la victime crucifiée. Donner sa vie, plutôt que se passionner de vivre.

En ce sens, le message d'adieu de Steve Jobs, "Soyez insatiables, soyez fous" vient jeter par terre le judéo-chrétien. Au Québec toute l'éducation était prise en charge par l'Eglise catholique. Le bilan n'a pas été fait, les conséquences n'ont pas été regardées. On prête attention à un problème périphérique, celui de la pédophilie de quelques individus, mais cela distrait d'un problème beaucoup plus profond, celui du détournement d'un fleuve de vie. Tout le pays a été asséché. Mozart assassiné.



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