mardi 4 octobre 2011

44- analgésique

Après quelques moments, Freud est revenu s'asseoir dans son fauteuil. Le puissant analgésique qu'il avait pris allait calmer cette crise qui l'avait saisi. Il a repris la parole:

" Je vous l'ai dit, j'ai agi comme si le sort des juifs, en Allemagne, ne me concernait pas. Albert Einstein m'avait tendu une perche il y a six ans: il souhaitait que je m'associe à un groupe de réflexion et d'action politique. Pour Einstein, la Société des Nations devait se doter d'une armée, et faire respecter les ententes internationales. Il comptait sur moi, pour que j'élabore un programme d'éducation populaire. Einstein pensait que je pouvais aider les gens à retrouver des valeurs humaines. J'ai dû le décevoir beaucoup.  Il a continué à s'impliquer, sans moi.

" La société de psychanalyse que j'avais fondée, jamais je ne l'aurais qualifiée de juive. C'est pourtant l'étiquette que les nazis lui ont donnée. Pour eux, c'était une science dégénérée, produite par des cerveaux d'une race dégénérée. Je n'avais d'yeux que pour cette société de psychanalyse. J'en étais le président, ma fille Anna en était la secrétaire.

Le drame des juifs, je ne voulais surtout pas y être identifié. Alors je regardais ailleurs: le drame humain de tous les temps, les phobies de l'homme, ses fantasmes, le monde de ses rêves,  la place de l'art et de la religion, cela m'a servi d'écran pour ne pas voir l'horreur des camps.

C'était comme philosopher sur la nature de l'eau, alors qu'une inondation terrible noie toute une ville. J'étais emmuré dans ma tour d'ivoire. Souvent,  il faut arriver au bout d'une impasse, se cogner sur un mur, pour s'apercevoir dans quel cul-de-sac on s'est fourvoyé...¨

- "Docteur Freud, avez-vous déjà songé à émigrer en Israël?"
- "En Israël?  Jamais je n'irais m'installer là-bas! Je suis un européen!"


Aucun commentaire: