jeudi 11 août 2011

8- feux follets

Il y avait sans doute l'effet du porto, et aussi la voix chantonnante du vieux médecin:  j'étais au bord de la somnolence, comme un chat qui s'est trouvé un coin de tapis pour s'allonger, pas loin du foyer.  J'ai sursauté quand Démocédès s'est levé brusquement:  " Je dois aller voir si tout va bien pour le prisonnier. Venez avec moi, nous allons continuer la causette le long du chemin".  Les nuits sont douces à Athènes, en mai, mais nous avons mis notre himation sur nos épaules, pour ne pas prendre de refroidissement. . Le vieux docteur allait d'un bon pas.

"Qu'est-ce que vous vouliez savoir de plus, en venant me voir ce soir?" m'a-t-il demandé. C'était mon tour de déballer ce qui me pesait sur le coeur:  " Ce procès qu'on a fait à Socrate, ça ne tient pas debout. Les accusations sont farfelues. Imaginez!  Comme s'il pouvait corrompre la jeunesse d'Athènes! Ils ont dit que Socrate offensait les dieux de la cité:  c'est ridicule.  Socrate a pu se moquer des superstitions, mais jamais il n'a manqué de respect pour ce qui est sacré. Non, ça ne fonctionne pas, et pourtant c'est bien sur ces fadaises qu'il a été condamné à mort!  Vous pouvez m'expliquer cela?"

J'étais surpris d'en avoir dit autant. Ma pensée s'était précisée à mesure que les mots l'exprimaient.  Au-dessus de nous. le premier quartier de lune éclairait suffisamment le chemin rocailleux qui grimpait à travers les pins.  Démocédès a ralenti le pas, il m'a dit:  " C'est exactement ce que pense aussi votre ami Xénophon. On en a causé au début de la semaine."  Cela m'a piqué au vif:  "Xénophon est venu vous voir?  Il ne m'en a rien dit!"  -"Et vous-même, est-ce que vous étiez pour lui raconter votre visite chez-moi?"

Nous allions bientôt arriver au poste de garde.  Il y a eu le bruit d'une course, comme si quelqu'un dévalait une pente en vitesse, puis le silence de la nuit.  Étrangement le coin où s'abrite la sentinelle était dans l'obscurité.  Peut-être était-il parti faire une inspection autour. J'ai frissonné de surprise:  c'était un battement d'ailes de chauve-souris. Nous nous sommes approchés de la prison.  Un trou noir:  la lourde porte était ouverte!  Démocédès a foncé à l'intérieur.  Je me demandais comment il pouvait se diriger dans une telle noirceur. Le coeur me battait. Je n'arrivais pas à y croire:  Socrate s'était évadé!  Comment avait-il fait son compte?

Du fond de la cellule, Démocédès m'appelait:  "Approchez, j'ai besoin de votre aide". Mes yeux s'habituaient peu à peu à voir dans cette pénombre. Le docteur était penché sur quelqu'un. Il avait l'oreille sur la poitrine de cette personne, il l'auscultait.  "Il est vivant, mais je crois qu'on a assommé votre ami.  Vite, allez chercher de la lumière et du secours!"  Je me suis précipité dehors, j'ai couru jusqu'à la première maison.





1 commentaire:

Michel à Isabelle a dit…

Les secrets de Socrate le philocrate sont dévoilés!
Tu rends l'histoire palpitante...
Vivement la suite.