lundi 15 août 2011

12. la vipère

Nous étions attablés, réunis comme pour un conseil de guerre.  La discussion ne s'était pas éternisée: nous étions tous convaincus qu'on avait tenté d'assassiner Socrate, la veille au soir.  Ce n'était la vie de Socrate qui avait été visée.  L'ennemi voyait venir les remous qui allait suivre l'exécution:  la foule allait s'en prendre à ceux qui l'avaient accusé injustement.  Faire mourir Socrate pendant une tentative d'évasion, cela mêlait les cartes et discréditait Socrate.  Le hasard avait voulu que Démocédès passe à la prison au moment de l'attentat:  de justesse Socrate avait été sauvé. Mais qui avait mené cette attaque?

Quand il s'agit de débusquer une vipère qui se cache dans un muret de pierres, il faut déplacer ces pierres  et mener un bon tapage. Nous étions attaqués?  La meilleure stratégie était la contre-offensive.  Il fallait laisser croire à l'assaillant de Socrate qu'il avait été débusqué, reconnu.  Il fallait le forcer à sortir de l'ombre.

Nous nous sommes répartis les tâches pour le lendemain.  En premier lieu, l'un de nous devait retenir les services de l'avocat Lysias, à qui Thrasibule était tellement redevable:  c'était Lysias qui avait financé et armé le groupe des démocrates, dirigés par Thrasibule, quand ils avaient délogé le groupe des Trente tyrans. Lysias devait porter une plainte officielle pour la tentative d'assassinat de Socrate, exigeant une enquête immédiate et l'arrestation du criminel.

En deuxième lieu, il fallait répandre la nouvelle que l'attaquant avait été identifié, la nuit de l'attaque contre Socrate:  son arrestation était une question d'heures.  Chacun de nous devait faire circuler cette information, la propager là où les gens se rassemblent:  au marché public, dans les échoppes, puis au gymnase où s'entraînent les hommes.

Il fallait former un comité de défense de Socrate.  Il ne manquait pas de gens qui seraient prêts à se compromettre pour lui.  Nous avons pensé au citoyen Léon:  Socrate lui avait sauvé la vie, alors que les Trente cherchaient à le faire périr.

Il y avait aussi le vieil ami d'enfance de Socrate, Chérébon:  son rôle était important.  C'est Chérébon qui avait consulté la prêtresse à Delphes, qui lui avait révélé que l'homme le plus sage, parmi les Grecs, c'était Socrate.  Cette pythie avait ainsi confirmé la mission divine de Socrate, celle d'enseigner la sagesse aux gens.  Il était temps de contrer l'accusation d'impiété qui avait fait condamner Socrate.  Rejeter Socrate, c'était rejeter un élu du dieu Apollon.  Chérébon devait se mettre en cabale, pour sauver son ami.

Nous avons ensuite convenu de nous retrouver le lendemain soir, pour faire part aux autres des résultats de notre campagne médiatique.  Le temps d'apitoiement était terminé.





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