mardi 9 août 2011

6- Socrate: rien à comprendre

Le lendemain j'ai commencé par ne rien faire. Les propos du docteur Démocédès me revenaient et j'ai compris qu'il me fallait tour reprendre à zéro: chez lui, je n'avais formulé aucune des questions qui me trottaient dans la tête, il n'avait donc rien répondu. Je me souvenais maintenant des derniers échanges, de son air malicieux,  quand il m'avait raccompagné sur le pan de sa porte:  ¨À très bientôt, mon ami, ne vous gênez pas pour revenir". Le vieux docteur savait d'avance que je rebondirais chez-lui.

J'ai donc envoyé un mot par mon valet: Je demandais à Démocédès si je pouvais le revoir dans les meilleurs délais, si possible le soir-même. Pour ne pas le compromettre, je suggérais de retourner chez lui: j'apporterais le vin et un gâteau de miel.  La réponse a été immédiate: il me recevrait avec plaisir.

Mes amis s'inquiétaient de ne pas me voir avec eux, puis ils ont pensé que je mettais au point la stratégie d'évasion de Socrate. La vérité c'est que j'avais besoin de recul, de solitude. L'enquête ne faisait que commencer. Le soir est vite arrivé, je me suis pointé chez Démocédès.

Nous avons moins perdu de temps dans les formalités de politesse. Quand la servante s'est éloignée, après nous avoir servi une assiette de pieuvre grillée, mon hôte est allé direct au but:
"Vous avez l'air bien tracassé, comme si vous aviez perdu vos clés... qu'est-ce que vous voulez savoir?"
Je n'avais pas le goût de tourner autour du pot, je me suis jeté à l'eau:
"Docteur, est-ce que Socrate est devenu fou, ou bien est-ce moi qui perd la carte?"
Démocédès avait l'humour facile:  "Pourquoi voulez-vous que ce soit lui ou vous? "
Il m'a servi un verre de son porto, puis en a bu une rasade.
"Qu'est-ce qui vous fait dire qu'il n'a pas sa raison?"

J'ai donc dit les choses comme je les pensais:  Socrate avait toujours été imprévisible, parfois bourru et fantasque. Mais cette fois, il avait plongé dans un drame de sa confection, complètement seul. Ce que nous pouvions en penser, ça n'avait pas d'importance pour lui, il n'entendait que son démon intérieur. Et puis cette nouvelle crise de catatonie, cette paralysie qui l'avait fait passer pour mort, à la prison... Qu'est-ce que Démocédès en pensait, comme médecin?

La soirée allait être longue. J'ai senti que le vieux médecin cherchait lui-aussi à aller au fond des choses.




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