dimanche 21 août 2011

15- Quand le vent tourne

Lysias avait une voix profonde.  Il détachait chaque syllabe:
"Parfois le temps s'éternise, on attend un changement qui n'en finit plus de se faire désirer. Parfois c'est le contraire, tout se précipite, comme les jours où deux armées s'affrontent. Aujourd'hui est une journée où tout déboule rapidement."
Il a fait une pause, pour nous préparer à entendre la suite.

" Ce matin, Ctésippe, en votre nom, m'a offert de vous représenter légalement. J'ai donné mon accord.  Tout de suite je suis allé frapper à la demeure de Thrasybule. Par chance, il était encore chez-lui. Je n'ai pas eu à lui raconter l'agression subie par Socrate dans sa prison: mon ami Thrasybule en connaissait chaque détail. Il m'a dit que ce n'était pas la peine de vous embarquer dans une coûteuse et longue enquête pour trouver le responsable de l'attentat:  Thrasybule m'a assuré que ce type n'aurait jamais plus la possibilité d'assommer d'autres personnes... "

" Je lui ai parlé de votre comité de défense de Socrate, avec pour objectif de le sortir de prison.  Thrasybule a sourit avec malice, comme il sait le faire. Il m'a dit:  d'accord, je te dois bien cela, Lysias. Je vais voir tout de suite ce qui est réalisable. Nous nous sommes quittés. C'était cet avant-midi."

Lysias savait la valeur d'un silence.  Il prenait le temps de nous regarder, comme s'il lisait nos émotions sur nos figures.  Satisfait de ce qu'il voyait, il a continué:

" J'ai revu Thrasybule cet après-midi: il est venu me retrouver chez-moi. Je connaissais sa réputation d'homme d'action, mais il s'était surpassé.  Voilà, il avait en main une proposition à vous transmettre, de la part des accusateurs de Socrate.  L'attentat de l'autre nuit les compromettait sérieusement, ils le reconnaissaient.  Voici cette proposition qu'ils vous font."  Chacun de nous retenait sa respiration. Lysias a enchaîné:

" Ils sont prêts à laisser tomber cette peine de mort contre Socrate, votée par une majorité des jurés. En échange ils exigent deux choses: premièrement, qu'une amende sérieuse, de 60 drachmes, soit payée à la Cité. Deuxièmement,  Socrate devra quitter Athènes pour une période de quatre ans:  c'est un minimum de temps d'exil pour laisser les passions se refroidir."

"Ce soir, je transmettrai à Thrasybule votre réponse, si vous vous mettez d'accord. Je vous conseille d'accepter cette proposition, elle est raisonnable à mon avis. Mais ne tardez pas:  si le mauvais temps se calme, les navires vont rentrer de Délos et la peine de mort sera appliquée sans délai, vous le savez." Lysias s'est tu.  Le groupe des amis s'est tourné vers moi, pour que je dirige le débat.



1 commentaire:

Michel à Isabelle a dit…

Bon vent à ton blog Huberlulu!
Après trois jours encalminés, sans la moindre brise, à attendre et espérer le prochain épisode, on finit par craindre le pire, et penser sans oser le croire que soudain tout est terminé...et on se sent, comme l'ami de Socrate, angoissé et impuissant!