jeudi 18 août 2011

14. Avec sa gueule de métèque

La veille, nous nous étions entendu pour exiger une enquête sur cette tentative de meurtre.  L'un de nous devait contacter l'avocat Lysias pour entamer ces démarches légales. Lysias, c'était tout un bonhomme. Il avait de qui tenir:  son père Céphale, Périclès était allé le chercher à Syracuse, et l'avait fait venir à Athènes, tellement il en avait besoin. C'était un marchand d'armes de haute voltige. Il réussissait à trouver l'équipement nécessaire pour armer une trirème, même quand ça semblait impossible. Avec tout le remue-ménage des guerres du Péloponnèse, les ateliers du métèque ne chômaient pas. Les coffres de Céphale se remplissaient d'argent.

Ses fils avaient grandi avec la jeunesse dorée d'Athènes. L'un d'eux, le jeune Lysias,  était parti suivre son cours de droit à Thourioi. La vie semblait être au beau fixe jusqu'au moment où il avait décidé, avec son frère Polémarque, de retourner à Athènes et prendre la relève du commerce paternel.  Associés, les deux frères voyaient leur usine de boucliers doubler sa production. La prospérité attire les vautours...

La guerre n'apporte pas seulement des contrats aux usines d'armement. Parfois le vent tourne... C'était il y a cinq ans: Athènes assiégée par Sparte, affamée, avait dû capituler. Sparte avait ensuite mis en place les Trente Tyrans: un régime de terreur. Les riches métèques étaient particulièrement ciblés par les égorgeurs: pas besoin de procès, on tuait et on mettait la main sur les biens. La milice avait donc débarqué chez les frères Lysias et Polémarque. Seul Lysias avait réussi à prendre la fuite et gagner la ville de Mégare.

C'était un vaillant, ce Lysias, il rebondissait vite. Le groupe de démocrates qui avaient fui Athènes cherchaient à se regrouper.  Le général Thrasybule avait pris les commandes et Lysias avait financé la solde des 300 mercenaires recrutés, l'achat des armes... Deux semaines plus tard, leur petite armée prenait pied au Pirée, attaquait la milice des Tyrans et libérait Athènes!

C'était ce valeureux que notre ami Ctésippe avait rencontré en début de matinée. Lysias l'avait écouté attentivement.  Aucun détail ne lui échappait. S'il voulait prendre le dossier?  Certainement. Déjà il avait en tête les démarches à faire. Avant de quitter Ctésippe, Lysias avait insisté pour participer à notre réunion du soir.

Ils étaient avec nous, tous les deux. Il s'est fait un grand silence. Lysias allait nous expliquer son statagème.




1 commentaire:

Michel à Isabelle a dit…

Où ont-ils déniché des noms pareils: Céphale, Ctésille, Polémarque, Thrasybule...?
Les mères métèques avaient-elles soudain une imagination sans bornes quand venait le temps de baptiser leur dernier rejeton? Faut dire que quiconque qui s'égare à Mégare...!
P.S. faudrait penser à faire un chèque à Georges (Moustaki) pour les redevances sur les droits d'utilisation de la chanson thème de ce fabuleux blog...