lundi 8 août 2011

4-Pas de bateau à l'horizon

Quand nous nous sommes présentés à la prison, le lendemain, les gardes nous ont signifié que le prisonnier n'était plus autorisé à recevoir des visiteurs. Aucun colis ne pouvait lui être remis, ni même le repas que nous avions pour lui. Chacun est rentré chez soi.

En suivant les longs murs, je suis descendu au Pirée. J'avais besoin de flâner sur les quais, pour y voir clair dans la suite à donner.  Des équipes de manoeuvres chargeaient des navires en partance pour la Crète, pour la Sicile. Toutes sortes de cargaisons étaient aussi déchargées: les quais étaient encombrés de toutes ces caisses, ces amphores, ces ballots. Il y avait aussi, comme chaque jour, des centaines d'esclaves dirigés vers le marché public.  J'ai longuement regardé l'horizon: il faudrait encore plusieurs jours avant qu'apparaissent les deux navires sacrés, partis pour Délos avec l'offrande rituelle à Apollon. Aucune exécution capitale n'était permise avant leur retour. Avec un peu de chance, une bonne tempête dans les îles pourrait les empêcher de quitter le port de Délos.

Plus j'y pensais, plus il m'apparaissait que Socrate nous avait roulé dans la farine. Vraiment, il nous avait bien manipulés, comme un joueur d'échec qui mène le jeu.  Ce procès valait une pièce de théâtre d'Eschyle. Socrate nous y avait fait joué un rôle qui ajoutait au spectacle. Il avait bel et bien provoqué ce procès. Il avait refusé d'être défendu par notre avocat, le meilleur de tous. Ensuite, son attitude lui avait fait perdre la sympathie des jurés. Quand il avait eu à proposer une sentence, Socrate avait poussé l'arrogance jusqu'à leur dire qu'on devait au contraire le traiter mieux qu'un héros des jeux olympiques et lui garantir ses repas gratuits, jusqu'à la fin de ses jours, dans l'édifice du prytanée.

J'en étais là dans mes réflexions quand un messager m'a remis un pli:  c'était de la part du médecin légiste.  Il tenait à me rencontrer le soir même et m'invitait à souper chez-lui. L'animation s'apaisait sur les quais, les gens rentraient à Athènes:  j'ai pris le chemin du retour, il me fallait me préparer à cette rencontre.

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