lundi 19 mai 2014

Sketchbook page 9


Parfois il faut se souvenir de ce qu'on ne voit pas, malgré ce qu'on voit, qui semble contredire l'invisible. 

J'ai été cet enfant, et je le suis encore.  
Tu as été cet enfant, et tu l'es encore.
Il était cet enfant, il l'est encore.
Elle était cet enfant, elle l'est encore.

Mon vieux père tirait à sa fin, il allait mourir, ça n'allait plus du tout. Je me souviens d'avoir exploré à fond toutes ses photos d'enfance, de les avoir imprimé, de lui en avoir fait un album. J'y ajoutais aussi des photos de cirque, des photos de fleurs.  J'essayais de lui faire retrouver le petit qu'il avait été, avec toute sa fragilité. 

Peut-être qu'il n'avait pas besoin de cet album. Peut-être qu'il n'avait pas quitté cet enfant qu'il avait été. Il ne le disait pas. Mais je suis certain d'une chose:  il est devenu pour moi un petit enfant fragile, beau, dont on veut tenir la main. 

Quand je l'ai quitté, ce dernier soir de sa vie, je le guidais vers un souvenir:  celui d'un ruisseau où il pêchait les petites truites, à Belle-Rivière, près de Ste-Scholastique. Un ruisseau étincelant de lumières qui dansent. L'enfant qui attend, fébrile, qu'une truite vienne mordiller l'hameçon. 

Quand il est mort, c'était la mort du tout petit Charles que je pleurais, que je sanglotais. 

Je me trompe chaque fois que j'oublie cet invisible.  Ce voisin venu causer  cet avant-midi:  il a été ce petit, et il l'est toujours.
Cette page du sketchbook, elle me ramène à ce que je ne vois pas. Cela change tellement la perspective...  


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