vendredi 9 mai 2014

Sketchbook page 5


On a perdu un village.  On l'a perdu, mais sans le savoir. Comment chercher ce qu'on a perdu, si on ne l'a pas connu avant de le perdre? C'est comme un enfant dont la maman est morte en lui donnant la naissance.  Peut-être que l'enfant regarde une photo de cette maman qui n'a pas pu le caresser, tout lui apprendre. Ainsi je regarde de vieilles photos de vieux albums, sans savoir trop qui étaient ces personnes, ni toute l'importance qu'ils avaient les uns pour les autres.  

C'est aussi tout comme avoir perdu une langue maternelle. Beaucoup de langues parlées ne sont plus parlées, les mots s'éteignent.  Les mots d'une autre langue ne remplacent pas, ne traduisent pas. Un dictionnaire ne donne pas la musique, la mélodie, l'étoffe sensuelle d'un mot qui ressemble à un fruit bien mûr. 

It is a kind of exil:  on vient d'un pays chaud où les gens vivaient dehors, à se cotoyer. Etre anonyme, c'est comme être encabané dans un pays froid. A travers les vitres givrées, on regarde passer des autos. Sur les écrans des tv, des images en boucle. 

C'est être exilé de soi-même.  

Reste à faire un voyage de retour au village qui n'est plus.  Se redonner un village à l'intérieur de soi. Puis le village prend racine autour de soi.  

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