lundi 26 mai 2014

Sketchbook page 10


Cette page du sketchbook... elle repose la question des pages précédentes:  qu'est-ce que je cherche?  Et pour savoir ce que je cherche, je me demande où je vais, pour le chercher.

Cette double-page agit comme un concerto pour orchestre et choeur. 

Le visage de Glen Gould. Le visage de Bach.  

Le visage de chaque musicien d'un orchestre, de chaque choriste. Les âmes habitent les visages. Only. 

Toute vérité a son contraire, qui n'est pas une fausseté. Une vérité qui rejette son contraire, elle risque de ne plus être vraie.

Si je vais à un concert (ça m'arrive trop rarement),  je ferme les yeux, pour entendre cette musique de Bach, interprétée par le musicien Glen Gould. 

Ce Glen Gould qui digérait de moins en moins le spectacle de la musique. Le spectacle qui n'était pas la musique. Jouer Bach devant une foule, c'était mêler spectacle et musique. Ça le dérangeait de plus en plus. Il ne voulait plus être funambule, devant la foule qui retient son souffle: va-t-il faire un faux-pas? 

Pourtant, une foule peut vivre un miracle: quitter la foule qu'elle est. Elle devient un visage qui rit, ou bien qui pleure. Un visage que chacun s'approprie. Quand chacun perd son visage, dans le silence d'une émotion.  Chacun devient Bach, chacun devient Glen Gould. 

J'ai toujours ce souvenir:  je faisais une forte fièvre, et un rêve m'avait rêvé. Un rêve tellement étrange m'avait visité, m'avait habité.  C'était un groupe qui s'en venait sur la route. Des personnes de tous les âges, comme des familles, mais un groupe. Ils approchaient, ils allaient passer devant moi. Des Egyptiens d'autrefois. 

Le miracle, c'est qu'ils ne parlaient pas. Quand on parle, c'est pour dire quelque chose à quelqu'un d'autre qui nous écoute. Eux, ils ne parlaient pas, parce qu'ils étaient une seule personne, et cette personne marchait en silence. Il n'y avait qu'une pensée qui habitait cette personne qui marchait sous la forme d'un groupe de tous les âges. Ce groupe d'une même pensée silencieuse marchait maintenant sur la route devant moi, puis ils étaient passés, ils n'étaient plus là, et je suis resté estomaqué, à tout jamais, par cette visite miraculeuse. 

Un groupe peut être un visage, une âme. Comme dans cette visite d'un rêve, comme une révélation de ce qui peut exister, ailleurs. Dans cet ailleurs qui habite au coeur de nous-même, dans le silence d'une parole d'une force incroyable.

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