jeudi 26 mai 2011

un peu de sérieux

Du temps que j'étais fringant, j'habitais
avec ma petite famille le long du rang
Sud, à Ste-Victoire-de-Sorel.  Un pays
plat où pousse le blé d'inde à vache.
Elles sont raffinées, les vaches:  elles
préfèrent ne pas goûter au blé d'inde
pour humains, question de goût.  Elles
s'y connaissent en blé d'inde, elles en
ont ruminé le pour et le contre.

Mon voisin Lionel avait un bon
troupeau de ces vaches laitières.
Parfois elles longeaient mes clôtures
et reluquaient les laitues de mon jardin.
Mais le délice des délices pour une
vache, m'avait confié Lionel, c'est le
trèfle du printemps.  Comme tous les
délices des délices,  ça peut leur être
fatal... J'écoutais Lionel, je m'instruisais
avec ferveur.

Au printemps les vaches quittent l'ennui
de l'étable. C'est tout un choc pour elles,
m'expliquait Lionel.  Mettez-vous à leur
place, pensez à tous ces mois de noirceur, avec seulement le  vent lugubre à entendre. Voilà qu'on les pousse dans la lumière! Faut comprendre ce qu'elles ressentent en retrouvant toutes ces odeurs, toutes ces saveurs,  et le plaisir d'avancer à mi-jambe dans le trèfle:  elles sont enivrées, elles s'empiffrent comme si elles allaient en manquer... Elles oublient toute sagesse, les vaches.

Faut les sauver à temps, m'a dit Lionel, et vite les ramener à l'étable, sinon elles vont exploser...  Imaginez tout ce gaz de fermentation, produit par leurs trois estomacs... Ce que j'ai appris de Lionel, je vous le redonne: c'est notre force, à nous les humains, de nous transmettre les trésors de la science. Alors vous serez prévenus: évitez les détonations!  Ne laissez pas vos vaches brouter le trèfle pendant des heures, ces premières journées du printemps.

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