mardi 10 mai 2011

la démesure du fils

C'est trop.  C'est beaucoup trop.
Immensément trop. La réaction
de défense, devant le trop, c'est
de repousser l'assiette, repousser
l'invitation.

Charles était dans son lit, cette
journée-là. C'était dans les
dernières semaines de sa vie.
Après plusieurs amputations
successives, il attendait, avec
patience.

Je pensais bien faire. Nous
sommes comme cela, vous et
moi. Je voulais lui partager un
étonnement devant la grandeur
de l'univers, à mesure que les
télescopes se rafinent, et vont
fouiller des plages, dont les
grains de sable sont des
galaxies.  Des milliards et des
milliards de galaxies, que je
lui avais dit.

Charles avait protesté avec vigueur: ¨ Arrête! ¨  C'était un refus aussi net qu'un cheval qui se cabre. Ce n'était pas de l'ennui de sa part, mais une peur bleue.  Pour Charles, les milliards de galaxies, cet océan à perte de vue, ça le noyait.  Pour lui, ce n'était pas des mots, c'était trop de réalité.  La démesure du monde lui donnait un vertige proche de la panique. Mes belles paroles lui ouvraient un gouffre.  Il voulait bien mourir mais sans être précipité du haut d'une falaise.

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