dimanche 19 juin 2011

une tête de cochon

Gabrielle, ma douce mère, ne lâchait jamais
le morceau. Je ne sais pas si elle avait
hérité cette force de caractère de la lignée
Magnan, celle de sa mère, ou de la lignée
paternelle, les Dugas.
Selon le point de vue, cette sorte
d'entêtement passe pour une qualité
respectable, ou bien pour un sacré défaut.
Mon père Charles frappait un mur
s'il voulait négocier un compromis avec
Gabrielle:   Il n'y avait aucun espace pour
une discussion où chacun entendrait
la pensée de l'autre. Jamais on n'aurait pu
convaincre ma mère d'un point de vue
différent du sien.  Si elle voulait obtenir
qu'une fenêtre soit percée dans le mur,
elle revenait à la charge, encore et encore,
des années durant.

Je tiens de mes deux parents:  parfois je suis buté comme les ânes sont supposés l'être, parfois je hausse les épaules, je laisse aller, comme Charles le ferait.
Quand on grandit avec une mère aussi entêtée, on développe une capacité spéciale, une inertie au moins égale à la pression qu'elle met. Mon gros bouvier fait la même chose: il s'accroupit de tout son long, pour bien dire qu'il n'ira pas plus loin.
L'autre façon de tenir son bout consiste à devenir secret, à faire à sa tête tout en évitant l'affrontement.
J'ai connu ainsi un homme qui vivait toute la journée dans sa cave, où il avait installé son atelier.  Son épouse ne le voyait qu'à l'heure des repas.  Ainsi il avait la sainte paix.

Les stratégies de survie qui nous collent à la peau deviennent parfois des armures bien encombrantes en temps de paix.

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