vendredi 3 juin 2011

le fou-rire

Ma soeur avait quatre ans de plus que
moi: c'est toute une différence, quand
on est des enfants. Ses amies étaient
donc toutes trop vieilles pour être mes
amies.  Dit autrement, j'étais un bébé
pour elles.

Un jour, une des amies de ma soeur,
Esther ou Mance, était venue dans
notre petit salon. Il se passait quelque
chose d'inhabituel: Tout ce monde des
grands insistait pour l'entendre réciter
un poème.

C'était très beau. Sa voix était forte,
les émotions rebondissaient tout
autour, et moi j'avais éclaté de rire,
d'un fou-rire idiot, incontrôlable.
Je me demande même si nous
n'avions pas été quelques-uns à être
ainsi secoués par un rire étrange,
honteux, gênant
comme une puanteur.

Sans doute que ma mère avait félicité cette voisine pleine de talent dramatique. Je me souviens que cette fille avait quitté rapidement notre salon.  Je n'ose pas imaginer l'effet qu'elle a dû ressentir de provoquer le rire alors que son texte devait nous faire pleurer.

Maintenant, après toutes ces années, je sais bien qu'il n'y avait pas d'autre issue pour moi que la culbute dans ce rire nerveux pour m'éviter cette trop grande vague d'émotion, ce tsunami pour l'âme.

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