lundi 30 avril 2012

Intermède. Suite 8. Feux les calumets...

On y arrive, on y arrive, aux calumets. Du moins on s'en approche, il y a de la fumée dans l'air... J'ai ouvert le gros dictionnaire historique, celui qui nous dit comment parlaient les ancêtres, et ce qui en reste (pas des ancêtres).  Tentez l'expérience, ouvrez ce mastodonte au mot "tabac".

Ça nous conduit à deux endroits ensoleillés: Haïti et le Brésil. Deux places où nos explorateurs de la belle époque de Jacques Cartier, vers 1550, regardent les Indiens fumer leurs pipes et leurs grands cigares. Les Arouaks d'Haïti parlent de Tsibatl en montrant leurs pipes allumées, et les voyageurs européens entendent Tabacco.

Au Brésil, les Indiens nomment Petyn ce qui deviendra Petun, pour désigner ce qu'on fume. André Thevet, en 1557, en rapporte des plants pour cultiver et fumer dans le vieux continent. "On pétune"... Écoutez la tirade de Cyrano de Bergerac:
" Cà, monsieur, lorsque vous pétunez,
" la vapeur du tabac vous sort-elle du nez
" sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée?"

Au nord de la France, Bretons et Normands gardent ce mot de petun jusque tard au 19ième siècle. Pas étonnant que les colons au Québec, venus de ces coins de France, aient gardé le mot.

Mais c'est Tabacco qui gagne. Est-ce dû à Jean Nicot, ambassadeur français au Portugal, qui popularise " l'herbe à Nicot" (la nicotine) auprès de la Cour royale? Chose certaine, André Thevet est furieux de se faire voler le crédit par ce Nicot. Ces Messieurs de la Noblesse fumeront le tabac.

Autre singularité... Vous savez que fumer, c'est silencieux, calme, apaisant. D'où vient alors qu'on parle de tabasser les étudiants qui manifestent, de passer à tabac ceux qu'on veut intimider? Le tabac a-t-il une violence cachée?

Les continents dérivent, et les mots aussi se permettent des glissements. Taba existait avant Tabac. C'était au moins trois siècles avant le tabac d'Haïti et le Petun du Brésil. Du temps de Jeanne d'Arc. Tabu, tabuster, tabaster... ça signifiait du tapage: frapper, faire du tumulte, secouer.

On peut dire que la main de fer (tabu) s'est glissée dans le gant de velours (tabac): c'est aussi au 19ième siècle que l'argot français parle de tabac pour violence. On peut dire que le Gaulois se glisse dans le Français. Tabac devient paradoxal, apaisant et belliqueux à la fois. (à suivre)



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