mardi 1 mai 2012

Intermède. Suite 9. Feux les calumets...

 " Mets-ça dans ta pipe!"... (rentre-le dans ta caboche, et tâche d'y penser)... "Il s'est cassé la pipe"  (... il est mort...)  " Il y avait combien de têtes de pipe à cette assemblée?"  (combien de personnes?)  Ces expressions nous identifient au tabac... pourquoi?

Il ne faut pas ramener l'univers du tabac au tabagisme. Les campagnes si intensives qui tâchent de déraciner l'habitude de fumer, pour des raisons de santé, elles ont évidemment de bonnes intentions, mais elles sont facilement inhumaines. Vous trouvez que je charrie? Elles sont inhumaines, car l'humain vit son humanité, depuis des millénaires, avec la fumée.  Démoniser la fumée, cracher sur elle comme de la pollution, c'est aussi bête que de vouloir enlever le rêve, vouloir empêcher les humains de rêver.

Si vous ouvrez le Dictionnaire des symboles (collection Bouquins, éditeur Robert Laffont), lisez ces pages sur la fumée, le tabac, la pipe. Vous trouverez tout le sérieux de notre histoire "spirituelle", celle de tous les peuples depuis l'invention du feu, notre histoire d'amour avec l'univers, avec ce monde qui existe.

La fumée monte.  Nos ancêtres (les très anciens et les plus récents), d'instinct, ils faisaient monter des prières avec cette fumée. On en a fait autant dans nos églises, avec notre encens: à l'époque pas si lointaine, le thuriféraire était le servant de messe, l'enfant de choeur, qui tenait l'encensoir au bout de trois chaînes. Ça accompagnait les grands moments de la vie, les fêtes des saisons dans les cérémonies.

Heureusement qu'on connaissait aussi la fumée qui monte, en dehors des églises. D'une façon, cela civilisait: s'arrêter pour fumer tranquillement et regarder ces volutes de fumée. Ou mieux: rêver en regardant les flammes d'un feu de camp, un feu de foyer. Ça n'a pas besoin de mots. Ça nous rejoint directement.

La preuve que ça civilise: ça attire les chants, la musique. Réal sortait sa guitare, ou bien sa ruine-babine (son harmonica). Il avait même une bombarde! (Je vais dire une méchanceté: ça valait mieux que des discussions politiques). Ça touchait le coeur et pas seulement l'esprit.

Le feu, la fumée qui monte, ces rituels avec ou sans tabac, ça permet le rêve. Le cerveau humain aime bien respirer l'air frais, mais curieusement il savoure le rêve, depuis des millénaires, autour d'un feu.  Comme c'est le soir, il découvre des milliers d'étoiles, ce monde qu'on habite en aveugles. Il découvre du silence qui se regarde.



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