samedi 21 avril 2012

Intermède: feux les calumets de paix

La Presse, dans l'édition d'aujourd'hui, sonne le glas: ils abandonnent. Terminé, après mille ans!  Tiens, je ne nous connaissais pas cette ancienneté. Il s'agit de l'industrie du tabac au Québec. La vraie nouvelle, c'est que les deux derniers cultivateurs qui plantaient du tabac, ils laisseront leur machinerie au garage. La raison: il n'y a plus d'acheteurs pour le tabac cultivé ici.

Grand-père Alexandre n'aurait pas apprécié. Il vivait à Joliette, dans le pays sablonneux qui a prospéré grâce au tabac. Alexandre Dugas fumait la pipe. Il en avait plusieurs: il les laissait refroidir, les unes après les autres. Il fumait son tabac, celui qu'il cultivait dans son jardin.

Alexandre avait une maison d'été au bord de la rivière l'Assomption. Maintenant c'est en pleine ville. À l'époque, c'était la campagne: les voisins étaient des cultivateurs sur des fermes laitières. Devant la maison d'été, il y avait une route de terre, poussiéreuse, qu'on traversait sans grand danger d'être frappé par une auto. On accédait alors au jardin du grand-père. Un jardin immense.

Du moins, mes yeux d'enfant le voyait immense, ce jardin. Il y avait ce carré de plants de tabac sur votre gauche, puis tout cet espace pour le blé d'inde, et tous ces rangs de framboisiers. À votre droite, ajoutez tous les légumes: les tomates, les petites fèves, les radis, les oignons, la ciboulette, les pommes de terre, les choux, la laitue, et tout ce que j'oublie. Un très grand jardin, à s'y perdre, si on est un enfant qui voit grand. J'avais le privilège d'y travailler, avec toute la maisonnée: j'enlevais les gourmands sur les plants de tabac.

Les gourmands, ce sont des pousses qui se développent entre la tige principale et les grandes feuilles de tabac... C'est le même phénomène, avec les plants de tomates. Les gourmands empêchent la récolte sérieuse de mûrir. C'est comme un éparpillement dans la production de la plante, c'est comme si elle menait douze projets à la fois, au lieu de faire aboutir ce qu'elle a entrepris.

Si un jour vous avez un plant de tabac qui fait des gourmands, voici comment vous procéderez. Evidemment ce sera votre petit-fils qui fera le travail, et vous aurez à lui expliquer: avec l'ongle du pouce, on pince le gourmand, à sa base. Il se détache, mais vous tache. Il dégouline de lait caoutchouté, gommeux, collant au possible, et ce lait noircit très vite. Ça prouve que vous êtes un vrai travailleur si vous avez les mains goudronnées au lait de gourmand.  (à suivre)



1 commentaire:

Michel à Isabelle a dit…

C'est un vrai don que tu as Huberlulu, de nous transporter dans tes histoires...
...et quand on arrive en bas de la page, on s'aperçoit tout à coup qu'on lisait un blog...
...même chose pour tes intrigants dessins...on regarde, on fige...on part dans la lune...on revient!