dimanche 22 avril 2012

Intermède. Suite 2: Feux les calumets...

C'est évident que je n'avais pas le privilège de cueillir les grandes feuilles de tabac: il fallait s'y connaître pour savoir si elles étaient mûries à point, et seul de la tribu, Alexandre les cueillait une après l'autre, les choisissant au pied de la plante.

Il en faisait ensuite de petits fagots qu'il allait suspendre au plafond du grenier, la tête en bas, comme des stalactites. Ça devenait un véritable séchoir.  À quel moment Alexandre allait-il les décrocher du plafond, ces précieuses feuilles de tabac? Je ne le sais pas: à la fin de l'été je n'étais plus là pour m'instruire des choses de la vie. Je ne l'ai pas vu actionner son hachoir, ni remplir sa tabatière.

J'ai ce trésor sous les yeux: un bel hachoir artisanal. Est-ce bien le sien? Je me persuade que oui, pour lui donner sa vraie valeur de souvenir. C'est une guillotine, un coutelas dont la lame pivote en arc de cercle sur une planche très épaisse, en bois franc, lourd.

Je possède aussi sa tabatière de métal. Elle a de l'âge, elle est même percée, mais elle brille encore. Hachoir et tabatière: des reliques étranges, qui passeront pour des vieilleries inutiles et bizarres, bientôt. Grand-père Alexandre devait les soigner, ces beaux objets qui lui servaient à alimenter sa pipe. Il ne les voyait pas comme des antiquités pour musée de la civilisation, pas plus que son tabac!  (à suivre)



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