dimanche 29 avril 2012

Intermède. Suite 7. Feux les calumets...

J'ai tordu le bras à mon ami Gilles, pour qu'il m'envoie un texte sur le tabac. Il tient parole, Gilles. Je ne garde pas son texte pour moi, je vous le partage. Le titre:  Le tabac et Roméo.

... De mes yeux d'enfant, le tabac a toujours fait partie de la routine quotidienne de mon père Roméo. Chaque soir, après le souper, Roméo restait au bout de la table (c'était "sa" place dans la maison), sortait sa boîte en métal, son long papier blanc et sa machine à cigarette. Dans moins d'une heure, il "roulait" une vingtaine de cigarettes. C'est à ce moment qu'il jasait de tout et de rien. Je connais sa production parce que je prenais plaisir à compter ses grandes cigarettes. Parce qu'elles étaient très longues, ses cigarettes!

La machine comportait en effet deux rouleaux de toile d'environ 20 pouces (50 cm) de long. Le mécanisme enserrait le tabac, le roulait dans un papier aussi long que la machine puis crachait une interminable cigarette sur un tablier mobile muni de quatre lames de rasoir disposées à égale distance. En actionnant le tablier vers l'avant, la cigarette était alors sectionnée en cinq parties égales, formant ainsi autant de cigarettes prêtes à allumer.

Mon père n'avait installé que deux lames sur cinq. À chaque mouvement du tablier, il se retrouvait donc avec deux cigarettes "double longueur" et une cigarette de longueur normale. Les cigarettes normales étaient réservées aux rencontres civilisées, tandis qu'il fumait ses longues à l'usine.

Toutes coupées au format standard, ça aurait fait une centaine de cigarettes par jour. La statistique et sa machine ont eu raison de lui: à 65 ans, Roméo mourait d'un cancer de la gorge. Il avait sûrement les poumons aussi noirs que le charbon, mais l'histoire ne le dit pas. Quant à moi, le jour de sa mort, j'avais déjà entamé mon troisième paquet de cigarettes vers l'heure du souper. La mort de mon père m'a convaincu d'arrêter. J'ai choisi une méthode efficace et violente pour y arriver, mais c'est une autre histoire de tabac."

(...et voilà... si seulement ce blog devenait interactif, il y aurait des cadeaux semblables qu'on se partagerait... j'en rêve!)



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