lundi 23 avril 2012

Intermède. Suite 3: Feux les calumets

Ici, il ventait à écorner les boeufs, aujourd'hui. Pas étonnant que l'électricité soit disparue toute la journée. Bref, dehors c'était un bruit d'enfer, les grands arbres se balançaient. Au bord du fleuve, les vagues ont débordé sur la route. J'ai passé beaucoup de temps à ne rien faire, emmitouflé comme en hiver dans la maison froide.

En début de soirée, l'ami Albert a téléphoné. Albert "connait le tabac". Connaître le tabac, ça signifie être connaissant, habile. Justement, je l'ai questionné sur le tabac, pour valider un peu ce que je vous raconte.

Albert donne un autre nom aux gourmands qu'on enlève sur les plantes: des ch'tons.  Le verbe: éch'ter.  Tout un vocabulaire va disparaître en même temps que chaque métier enterré... (Ch'ton doit venir de "rejeton").  On disait, d'un type pas fiable, qu'il était un faux ch'ton. (un faux jeton).

Alors, Albert, faut se réjouir de voir s'éteindre l'industrie du tabac? Pas du tout!  Premièrement, les fumeurs continuent de fumer, mais avec un tabac de moins bonne qualité que le nôtre. Qui va contrôler les chimies qu'on va ajouter au tabac produit au Mexique, ou en Polynésie? Deuxièmement, le tabac c'était une plante médicinale.

(Si seulement ce blog était interactif, je m'instruirais rapidement, et vous aussi! On saurait si le tabac de Joliette était bon pour les vieux fumeurs de pipe).

J'ai appris à Albert, qui ne sait pas tout même s'il connait le tabac, que la moitié de la production du sirop d'érable était (autrefois) vendue en Virginie pour aromatiser les cigares et le tabac à pipe... La moitié? N'allez pas tout croire, sans vérifier.

Et puis, on ne faisait pas seulement fumer le tabac: on le chiquait, on le prisait. Quand Alexandre était jeune adulte, il tenait un salon de barbier: trois fauteuils attendaient sa clientèle. Devant chaque fauteuil, un crachoir étincelant, frais nettoyé par la grand-mère Élizabeth. Les gens n'avalaient pas leur chique, ils la crachaient. C'était l'époque des saloons.

J'ai déjà vu un vieil aumônier priser le tabac. Il avait ouvert le couvercle d'une menue tabatière, pour y prendre une pincée de poudre, et se l'introduire dans le nez, en inspirant fort. Je n'ai aucune idée de l'effet, mais on m'a dit que ça brûlait les tissus. Pourtant, on lui donnait du prix, on le prisait!   (à suivre)



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