lundi 2 avril 2012

Intermède: Le maire suppléant

Dans mon village, à tour de rôle, les échevins élus (conseillers municipaux) sont désignés "maire suppléant".  En cas d'absence du maire, ils en occupent les fonctions. Les malheureux! Les inconscients! Ils ne savent pas le risque qu'ils prennent...

C'est une très vieille tradition: elle remonte aux débuts de l'existence des monarchies. Une tradition bien établie, solide, durable: elle a duré une bonne vingtaine de siècles (avant l'ère chrétienne). C'était en Mésopotamie, là où s'est inventé l'urbanisation, l'écriture, et les rois-suppléants.

À l'époque, pour le royaume, il n'y avait rien d'aussi dangereux qu'une éclipse de lune ou de soleil. Tout le monde en était persuadé:  le roi risquait de mourir.

Les savants de l'époque prévoyaient ces éclipses, ils étaient forts en astronomie. Quand une éclipse s'annonçait, on trouvait un roi de remplacement, et on faisait disparaître le véritable roi. Ce roi-suppléant prenait tous les signes extérieurs du roi: ses vêtements, son palais, son train de vie, ses fonctions liturgiques. On lui donnait même une jeune reine. Cette suppléance durait le temps que durait la menace de l'éclipse.

Puis ce roi-suppléant et sa reine étaient mis à mort. Les pleureuses officielles se lamentaient. Il y avait des funérailles royales, un deuil national. On priait le fantôme du roi-suppléant de rester au royaume des morts.  Et le roi-véritable reprenait ses charges, heureux d'avoir échappé à la malédiction de l'éclipse.  (à suivre...)

(Pour connaître tout le sérieux de cette pratique de nos ancêtres, il faut lire le volume de Jean Bottéro: La Mésopotamie, l'écriture, la raison et les dieux)


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