...Épuisée, la tortue tremblait sans arrêt. De grands frissons l'agitaient. Cette sorte de crise, son ami serpent la reconnaissait bien: ça revenait périodiquement depuis le drame. Chaque fois, la tortue revivait la mort de son enfant.
Le serpent installa douillettement son amie sur un nid de mousse. Il lui apporta un bol de nectar chaud. Il l'enveloppa dans une épaisse couverture de laine, puis fit signe à Dieu de le suivre dehors.
"Allons près du ruisseau" dit-il.
Le soleil plombait. Une libellule verte survolait tous les méandres du ruisseau, se prenant pour un dragon terrible. Dieu se trouva un coin confortable, s'assit, les pieds dans l'eau froide: il sentit le calme lui revenir. Près de lui, sur une roche plate, le serpent prenait tout le soleil qu'il pouvait, pour recharger ses batteries.
" Tu étais au courant, pour la mort de son enfant?" demanda le serpent.
Dieu fit signe que non: il n'avait jamais prêté attention...
" J'avais la tête dans les nuages" expliqua-t-il, " j'élaborais les grands shémas de l'univers. C'était de la mathématique pure. Raconte-moi ce qui est arrivé"
- " La vieille, qui n'était pas vieille à l'époque, s'était inquiétée. Son petit s'était éloigné et ne revenait pas. Elle l'avait appelé, elle l'avait cherché sans le trouver... Finalement c'est un écureuil qui l'avait guidée vers le petit cadavre. L'écureuil lui avait fait le récit du jeu cruel des enfants, il avait tout vu..."
"Vois-tu", ajouta le serpent, " ton rêve lui a fait revivre son drame.
- "C'est le contraire" dit Dieu, " elle m'a communiqué toute son expérience, toute sa douleur, en me guidant dans ce rêve"
- " Elle t'en veut terriblement d'être un Dieu qui laisse des enfants cruels tuer ses petits"
- " Oui", dit Dieu, " elle a dit que j'étais resté les bras croisés, au lieu de protéger son enfant"
- " Et tu en penses quoi?"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire