" Un deuil ! Tu appelles-ça un deuil !! " fulmina la tortue
- " Oui, c'est un vrai deuil que je ressens, même si c'était seulement un rêve. Tu appellerais ça comment? " demanda Dieu.
- " Un meurtre au premier degré!" martela la tortue.
- " Moi, je ne l'ai pas tué," se défendit Dieu, " ce sont les deux jeunes..."
La tortue, furieuse, l'interrompit net:
"C'est toi qui as commencé le bal, en les faisant s'amuser aux dépends d'une tortue qui écrasait sous votre poids. ... Puis tu les laissais lui envoyer du sable dans les yeux: ça t'intéressait de la voir se réfugier dans sa carapace. ... Puis, c'est sous tes yeux qu'ils l'ont viré à l'envers, et qu'ils l'ont tué. ... Et toi? Tu as protégé la victime? Tu lui as sauvé la vie? "
... Les yeux de la tortue lançaient des éclairs de colère... Elle continua car on n'arrête pas l'éruption d'un volcan:
" Que c'est touchant, ton deuil à retardement! Quand c'était le temps d'agir, tu t'es croisé les bras! Te rends-tu compte que c'est monstrueux de ta part? Es-tu "demeuré", ou quoi? "
...("Il y a des colères qu'il faut laisser sortir") se dit le serpent gris, en regardant son ami tortue. Il savait qu'elle avait perdu un petit, assassiné par des enfants: ils avaient joué à s'en servir comme ballon.
Lui-même, le serpent, il aurait pu en rajouter: tous ses ancêtres noyés par le déluge de Dieu. Puis, tous ces animaux sacrifiés sur des autels, pour s'attirer des faveurs de Dieu, qui en redemandait...
...Mais le serpent se garda d'intervenir. C'était la douleur de son amie tortue qui devait prendre la place, et toute la place.
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