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mardi 22 avril 2014
Trous noirs. 32
C'était surréaliste. Une brume intense l'empêchait de voir, dix pas en avant d'elle. Il fallait sérieusement réduire la vitesse: les phares de l'auto n'éclairaient plus qu'un mur de vapeurs mouvantes. Elle se demandait si un camion fou, conduit par un imbécile, n'allait pas surgir et foncer sur sa voiture...
Elle suait abondamment... Toute cette humidité ! Dans l'après-midi, son médecin de famille l'avait chicanée en observant l'enflure de ses jambes: "C'est dangereux, votre excès pondéral! " Pourquoi ces formules enfarinées? Elle était grosse, d'accord. Les tantes parlaient d'elle en disant: la nièce corpulente... À la petite école, c'était plus méchant: les enfants la traitait de "grosse bakaisse "... Elle s'épongea le cou avec un mouchoir déjà trempé de sueur.
Ouf! Il était temps ! Elle arrivait: le vieil immeuble venait de surgir sur sa droite, comme un bateau-fantôme. Elle gara l'auto, coupa le moteur, retira les clés du contact et les glissa dans sa sacoche noire. Assise derrière le volant, à la noirceur, elle ne bougea pas.
C'était comme un cri. Ou comme une sonnerie de téléphone. Il n'y avait eu ni cri ni sonnerie, mais l'intuition l'avait traversée: celle de tout laisser tomber, pendant qu'il était encore temps. Remettre l'auto en marche, refaire le chemin à l'envers. Elle eut très chaud, se mit à suer.
Son imbécile de mari avait tout gâché. Mais elle aurait dû le savoir... c'était son erreur à elle. Maintenant elle était venue pour reprendre les choses en main...
L'intuition s'était évaporée. " Tant pis, j'y vais"... Barbe s'extirpa difficilement de l'auto, traversa le stationnement et gagna l'entrée de l'édifice.
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